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La gigantomastie juvénile: à propos d’un cas à l’institut Joliotcurie de Dakar et revue de la littérature

La gigantomastie juvénile: à propos d’un cas à l’institut Joliotcurie de Dakar et revue de la littérature

 

Sidy Ka1,&, Doudou Diouf1, Mamadou Moustapha Dieng1, Jaafar Thiam1, Rokhaya Niang1, Ahmadou Dem1

 

1Hôpital Aristide Le Dantec, Département d’Oncologie, Institut Joliot Curie, Dakar, Sénégal

 

 

&Auteur correspondant
Sidy Ka, Hôpital Aristide LeDantec, Département d’Oncologie, Institut Joliot Curie, Dakar, Sénégal

 

 

Résumé

La gigantomastie juvénile ou hypertrophie mammaire virginale est une augmentation pathologique supérieure à 1500 cm3 du volume des deux seins chez l'adolescente. Elle entraine des répercussions psychologiques et physiques importantes. Les traitements médicaux sont décevants laissant la place à la chirurgie qui peut compromettre l'avenir fonctionnel des glandes mammaires. Nous rapportons le cas d'une jeune fille porteuse d'une gigantomastie juvénile. Il s'agissait d'une jeune fille de 15 ans porteuse d'une gigantomastie invalidante dont la prise en charge, essentiellement chirurgicale par une mammoplastie de réduction a été effectuée à l'Institut Joliot Curie de Dakar. La gigantomastie juvénile est rare. Elle est invalidante chez une patiente en pleine croissance avec des répercussions psychologiques et physiques. Le traitement est médical et chirurgical. Les grossesses sont possibles et les récidives ne sont pas rares.

 

 

Introduction

La gigantomastie juvénile ou hypertrophie virginale est caractérisée par une augmentation invalidante du volume mammaire à l'adolescence devenant inesthétique et invalidante. Elle est liée à une sensibilité particulière à l'œstrogène. C'est une maladie rare et seuls des cas isolés ou de très petites séries ont été décrites. Nous rapportons un cas de gigantomastie chez une adolescente non gravide suivie et opérée à l'institut Joliot Curie de Dakar.

 

 

Patient et observation

Il s'agissait d'une patiente de 15 ans nulligeste sans antécédents particuliers qui voit ses règles depuis 2 ans. Elle présentait une augmentation progressive du volume mammaire depuis 3 ans (Figure 1). Le poids des seins était devenu trop lourd avec une cyphose et des dorsalgies de types mécaniques. Une échographie mammaire bilatérale montrait des adénofibromes multiples et une gigantomastie bilatérale. Une biopsie écho-guidée sur les lésions les plus irrégulières montrait une hyperplasie épithéliale sans atypies. Elle a bénéficié d'une réduction mammaire bilatérale avec une technique en T inversé à pédicule supérieur respectant la plaque aréolo mamelonnaire. Une quantité de tissu glandulaire évalué à 700 grammes à droite et 750 grammes à gauche a été enlevée. Une exérèse des nodules bien limités de différentes tailles a été effectuée. Elle a cicatrisé correctement avec conservation de la plaque aréolo mamelonnaire et de la sensibilité des différentes parties du sein. La famille était satisfaite du résultat esthétique (Figure 2). Apres un recul de 23 mois elle ne présente pas de récidive de la gigantomastie et les dorsalgies ont disparu.

 

 

Discussion

La gigantomastie juvénile ou hypertrophie virginale est une entité rare. Elle est définie par une augmentation de la taille des seins supérieure à 1500 chez l'adolescente [1]. Elle se développe très tôt au début de la puberté et a une tendance à présenter des complications mécaniques notamment sur le rachis chez une patiente en pleine croissance [2]. Les séries décrites sont très courtes et concernent 1 ou 2 cas [2,3]. L'âge de survenue tourne autour de 13 et 14 ans. L'évolution est rapide et les seins peuvent être très volumineux et entrainer une cyphose invalidante et ce d'autant plus que la patiente a tendance à provoquer la cyphose pour cacher sa grosse poitrine. Ce qui témoigne d'une atteinte psychologique [1]. Le bilan recherche des lésions associées cliniques et à l'imagerie. Le rôle diagnostique de l'imagerie est pauvre. L'échographie est le meilleur examen en première intention à cause de la densité mammaire. En cas de lésions associées suspectées une IRM est proposée [4]. Au plan biologique, il est décrit une augmentation des récepteurs ostrogéniques et/ou progesteroniques [5]. Sa prépondérance et son rôle sont très controversés [2].

 

On retrouve des lésions associées et non spécifiques. A l'adolescence les lésions les plus fréquemment sont l'adenofibrome. Il est volontiers géant et solitaire ou multiple [6]. Certains auteurs ont décrit des lésions d'hyperplasie épithéliale [1,2]. Celles-ci sont plutôt retrouvées sur les autres types de gigantomastie. La gigantomastie idiopathique, à tendance familiale dans laquelle on retrouve plus souvent des lésions conjonctives plutôt qu'épithéliales. Elle s'installe progressivement et augmente avec l'âge et les maternités [4,7]. La gigantomastie gravidique également rare survenant inopinément sur seins préalablement normaux, pendant la grossesse qu'elle rend difficile parce qu'invalidante [4,8]. La gigantomastie se retrouve dans d'autres situations comme une prise de médicaments tels que la D-penicillamine et la cyclosporine ou une auto-immunité [9,10] etc...

 

Le traitement médical est décevant. L'hormonothérapie est plus efficace dans la gigantomastie gravidique. Dans la forme juvénile, la gosereline parfois utilisée donne de meilleurs résultats en préparation de la chirurgie. Le tamoxifène est préconisé après chirurgie de réduction en prévention des récidives [9,11]. La chirurgie est le traitement de choix. Il consiste en une réduction mammaire ou une mastectomie bilatérale. Elle est indiquée devant la taille mammaire et les répercussions physiques et psychologiques [4,6]. La technique la plus utilisée est la technique en « T » inversé. C'est une technique adaptée à la taille habituelle des seins [6]. La plupart des techniques de réduction mammaire peuvent être utilisées avec un lambeau supérieur, inférieur ou latéral et avec ou sans conservation de la plaque aréolo-mammelonnaire (PAM) [12]. En cas de seins très volumineux la préservation de la PAM n'est pas garantie. On peut opter pour un non conservation de la PAM dont il faudra faire une plastie. Plusieurs techniques de conservation de la PAM sont décrites [1].

 

Chez notre patiente la conservation de la PAM a été obtenue après réduction mammaire et conservation de la PAM. Les complications de la chirurgie dépendent de la taille mammaire et de l'expérience des équipes chirurgicales. A court terme sérosités, nécrose, lâchages et infections peuvent survenir et le résultat esthétique peut être décevant [3, 6,11]. A long terme l'allaitement peut être compromis et une récidive peut survenir [3,12]. Les grossesses sont recommandées au moins 2 ans après la chirurgie [4,11]. Elles sont une des principales causes de récidive [13].

 

 

Conclusion

La gigantomastie juvénile est une maladie de l'adolescente. Elle est caractérisée par une augmentation du volume des seins avec un important retentissement physique et psychologique. Le traitement est essentiellement chirurgical. Il est efficace et les grossesses et allaitement ultérieures sont possibles. Les récidives ne sont pas exceptionnelles et sont favorisées par les grossesses.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: gigantomastie juvénile avant chirurgie

Figure 2: gigantomastie juvénile après chirurgie

 

 

Références

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