Ostéome ostéoïde intra-articulaire de la hanche: deux observations et revue de la littérature
Ellouz Zoubir, Frikha Faten, Trigui Moez, Bouaziz Wajdi, Ayedi Lobna, Aoui Mourad, Gdoura Fakher, Dabbeh Chaouki, Bahloul Zouhir, Boudawara Tahia, Ayedi Kamel, Keskes Hassib
Corresponding author: Service de Médecine interne CHU Hedi Chaker 3029 Sfax, Tunisie
Received: 25 Aug 2010 - Accepted: 30 Jan 2011 - Published: 31 Jan 2011
Domain: Clinical medicine
Keywords: Ostéome ostéoïde, hanche, tomodensitométrie, chirurgie, Tunisie
©Ellouz Zoubir et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Ellouz Zoubir et al. Ostéome ostéoïde intra-articulaire de la hanche: deux observations et revue de la littérature. Pan African Medical Journal. 2011;8:5. [doi: 10.11604/pamj.2011.8.5.303]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/8/5/full
Original article
Ostéome ostéoïde intra-articulaire de la hanche: deux observations et revue de la littérature
Ostéome ostéoïde intra-articulaire de la hanche: deux observations et revue de la littérature
Ellouz Zoubir1, Frikha Faten2,&, Trigui Moez1, Bouaziz Wajdi1, Ayedi Lobna3, Aoui Mourad1, Gdoura Fakher1, Dabbeh Chaouki4, Bahloul Zouhir2, Boudawara Tahia3, Ayedi Kamel1, Keskes Hassib1
1Service d’Orthopédie et Traumatologie CHU Habib Bourguiba 3029 Sfax, Tunisie, 2Service de Médecine interne CHU Hedi Chaker 3029 Sfax, Tunisie, 3Laboratoire d’anatomopathologie CHU Habib Bourguiba 3029 Sfax Tunisie, 4Service de radiologie CHU Habib Bourguiba 3029 Sfax Tunisie
Auteur correspondant
Service de Médecine interne CHU Hedi Chaker 3029 Sfax, Tunisie
L’ostéome Ostéoïde (OO) est une tumeur ostéoblastique bénigne relativement fréquente. Il survient généralement chez l’adulte jeune et se localise préférentiellement sur la diaphyse et la métaphyse des os longs [1]. La localisation intra-articulaire est rare représentant environ 10 à 13 % des cas [1,2]. L’articulation le plus souvent atteinte est la hanche [,3]. L’OO intra-articulaire revêt généralement une clinique atypique pouvant faire retarder le diagnostic. Cela est vrai surtout pour une articulation profonde comme la hanche. Nous rapportons ici deux observations d’OO intra-articulaire et nous essayons de décrire les particularités clinico-radiologiques et les modalités thérapeutiques de cette localisation.
Observation 1
Un jeune homme de 24 ans, sans antécédents notables, présente depuis 12 mois des douleurs intermittentes de la hanche gauche à recrudescence nocturne, apparues sans facteurs déclenchant. Ces douleurs sont légèrement calmées par les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens.
L’examen clinique trouve une limitation importante et douloureuse des mouvements de la hanche gauche. L’état général est bon. L’hémogramme et la vitesse de sédimentation sont normaux. Les radiographies de la hanche et du bassin montrent une discrète ostéocondensation du bord supérieur du col du fémur gauche (Figure 1).
La tomodensitométrie objective l’image typique d’un nidus avec une effraction du bord supérieur du col fémoral faisant évoquer le diagnostic d’ostéome ostéoïde (OO) intra-articulaire de la hanche (Figure 2).
L’arthrotomie de la hanche par voie antérieure permet de voir le nidus affleurer à travers la corticale supérieure du col fémoral. L’exérèse du nidus et de l’os condensé au tour est alors aisée (Figure 3). L’examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse confirme alors le diagnostic d’OO, retrouvant en périphérie du nidus des travées ostéoïdes riches en cellules ostéoblastiques (Figure 4). L’appui est interdit pour une durée de 45 jours. Les suites opératoires sont simples avec disparition immédiate des douleurs et guérison complète.
Observation 2
Un homme, âgé de 45 ans, consulte pour une douleur de la hanche gauche ayant débuté environ 1 an et demi auparavant, qu’il se dit secondaire à un traumatisme.
Cette douleur est de type inflammatoire avec recrudescence nocturne, partiellement calmée par les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens. On note alors à l’examen une boiterie à la marche, la mobilité de la hanche est limitée avec des douleurs provoquées très importantes. Le reste de l’examen est normal. L’état général est conservé. Le bilan inflammatoire est sans anomalies par ailleurs. Les radiographies standard de la hanche ne montrent aucune lésion osseuse.
Plusieurs diagnostics ont été évoqués: algodystrophie de la hanche, ostéonécrose aseptique de la tête fémorale ou alors monoarthrite. L’exploration est complétée par une scintigraphie osseuse qui montre une hyperfixation intense non spécifique de la hanche. L’IRM montre des signes évoquant une algodystrophie avec des anomalies du signal de l’extrémité supérieure du fémur gauche (Hypo T1, hyper T2). C’est la tomodensitométrie en coupes fines qui va permettre d’objectiver l’ostéome ostéoïde devant l’image en cocarde du nidus (Figure 5).
Il a été décidé de réaliser une exérèse chirurgicale avec ablation complète de la tumeur. La hanche a été abordée par voie antérieure. La capsule articulaire était bombée témoignant d’un épanchement articulaire. L’arthrotomie antérieure a permis de confirmer l’épanchement et de l’évacuer, de constater une hypertrophie de la synoviale articulaire et de voir le nidus au niveau supérieur de la base du col fémoral. Le nidus et l’os condensé l’entourant ont été réséqués (Figure 6). Il n’a pas été fait d’ostéosynthèse préventive du col mais l’appui a été interdit pour 45 jours.
L’examen anatomopathologique du produit d’exérèse a permis de conclure à un OO. La symptomatologie douloureuse et la limitation de la mobilité articulaire ont complètement disparues à la suite de l’intervention.
L’ostéome ostéoïde (OO) est une tumeur osseuse primitive bénigne fréquente. Il représente 2 à 3% de l’ensemble des tumeurs osseuses et 10 à 20 % de l’ensemble des tumeurs osseuses bénignes [1,4-6].
Il se situe préférentiellement au niveau des os longs [1,7] avec une prédilection pour les membres inférieurs [8], notamment le tibia et le fémur. La localisation
intra-articulaire est rare et sa fréquence est difficile à apprécier, environ
10 à 13 % des cas [1-3,9]. Il touche
alors principalement la hanche comme nos deux observations [2,3,6,10-12] mais aussi
le genou [9,13], le coude [14,15], le poignet et le carpe [5,8,16,17].
Comme retrouvé dans nos deux observations, les patients atteints d’OO sont dans
la majorité des cas des hommes dont la douleur se révèle entre l’âge de 15 et
35 ans [5].
Les manifestations cliniques de l’OO sont le plus souvent faites de douleurs
nocturnes, insomniantes, calmées par la prise de salicylés [8,17]. Cependant, un OO intra-articulaire (OOIA) évolue
fréquemment dans un contexte trompeur [6] retardant le
diagnostic et la prise en charge adéquate [6]. Les
symptômes cliniques les plus communs décrits au cours des OOIA sont des
douleurs articulaires, des synovites, une raideur ou une tuméfaction des
parties molles et une diminution des mobilités articulaires [18].
L’examen clinique est peu spécifique notamment pour les articulations profondes
et plusieurs autres diagnostics dans ces localisations peuvent être évoqués :
l’ostéonécrose aseptique, l’algodystrophie, les arthrites rhumatismales ou
infectieuses notamment tuberculeuses et l’ostéochondrite [2,9,13]. Dans notre deuxième observation,
la présence d’une symptomatologie clinique atypique associée à l’absence de
lésion à la radiologie conventionnelle et les atypies retrouvées à la
scintigraphie osseuse ont fait suspecter une algodystrophie ou une ostéonécrose
aseptique de la tête fémorale.
Dans la littérature, les délais diagnostiques des OO intra-articulaires s’étendent de 4 mois à 5 ans [2,3,6,9], plus importants que dans les autres localisations. Dans nos deux observations, le délai diagnostique a été plus que 2 mois.
Les OO sont le plus souvent diagnostiqués par les simples rayons X ou le scanner [19] qui montrent une image lytique centrale de petite taille correspondant au nidus entourée d’une sclérose réactionnelle [17].
Dans sa localisation intra-articulaire, l’image typique du nidus bordée d’une ostéosclérose
périphérique est absente dans la majorité des cas [9]. La
radiographie est soit normale, comme chez notre 2ème patient, soit montre une
ostéopénie péri-articulaire [2,3]. La
sclérose réactionnelle peut masquer le nidus radiotransparent et peut
s’associer à une déminéralisation pouvant en imposer pour une algodystrophie [5]. Au niveau de la hanche, cette ostéoporose régionale est
fréquente [20] et pour les patients dont les douleurs
évoluent depuis au moins 3 mois, un élargissement du col du fémur peut être
observé [20].
Toutes ces particularités cliniques et radiologiques des OO intra-articulaires
imposent le recours fréquent à plusieurs moyens d’imagerie [3].
La scintigraphie osseuse, qui garde une place parmi les différents moyens
diagnostics avec une sensibilité atteignant les 100% [19],
révèle une fixation localisée « en spot » précoce et intense [4].
Elle ne permet pas de confirmer le diagnostic positif [14],
mais son intérêt réside de rechercher d’autres localisations généralement
exceptionnelles [16, 19] et
sert à cibler précisément le reste du bilan d’imagerie (TDM et IRM) [7]. L’IRM représente pour certains auteurs l’examen le plus
sensible pour porter le diagnostic d’OO [21]. Elle
retrouve le nidus, et montre fréquemment un œdème intra-osseux et des parties
molles périlésionnelles [21]. Cependant l’IRM manque de
spécificité, et le nidus peut ne pas être visualisé dans près de 50 % des cas [2]. Le scanner représente l’examen de référence le plus
spécifique pour le diagnostic d’OO lorsque les radiographies sont peu
contributives [4,6]. Il permet de
localiser avec précision la lésion, de mesurer la dimension exacte du nidus et
d’évaluer son extension locale ce qui permet d’orienter la stratégie
thérapeutique [8,19]. Nos deux
observations ont pour intérêt de préciser l'apport de la tomodensitométrie afin
de diagnostiquer de façon précoce les OOIA. Seul cet examen a pu mettre en
évidence l'image caractéristique du nidus.
Dans la littérature, le traitement de choix de cette tumeur bénigne, bien qu’elle puisse involuer spontanément après des années, est l’exérèse chirurgicale qui doit être complète pour éviter les récidives. La résection en bloc est la technique qui permet la résection en totalité du nidus [8] et donc la guérison. Elle peut être obtenue par chirurgie classique à ciel ouvert ou par techniques plus modernes mini-invasives en percutanée après repérage du nidu par broche sous contrôle tomodensitométrique [22]. Depuis les années 1990, ces techniques mini-invasives prennent une place importante dans l’arsenal thérapeutique des OO particulièrement la thermo ablation par radiofréquence [1,12,22] dont le taux de succès est de 70 à 100% [23,24]. L’inconvénient de ces techniques de destruction du nidus est l’absence de possibilité d’examen anatomopathologique. Dans les localisations intra-articulaires ou à proximité d’une articulation, dont l’accès est parfois difficile, certains auteurs proposent l’exérèse par voie arthroscopique [5,10]. Nos deux patients ont bénéficié d’une exérèse monobloc à ciel ouvert dont les suites ont été marquées par une bonne évolution clinique. Cette chirurgie a permis d’obtenir en plus une confirmation histologique souvent nécessaire pour le diagnostic et pour confirmer le caractère complet de l’exérèse.
Les formes intra-articulaires des ostéomes ostéoïdes sont rares et leur diagnostics est le plus souvent difficile facilité par l’apport des techniques d’imagerie médicales. En cas de doute diagnostic, la tomodensitométrie représente l’examen le plus spécifique permettant le diagnostic positif. L’exérèse chirurgicale complète de la lésion permet le plus souvent la guérison totale et évite les récidives.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.
Tous les auteurs ont contribué a la prise en charge du patient et la rédaction du manuscrit.
Figure 1: Radiographie de la hanche gauche. Ostéocondensation du bord supérieur du col du fémur gauche
Figure 2: Tomodensitométrie de la hanche gauche qui visualise le nidus de l’ostéome ostéoïde avec une effraction du bord supérieur du col fémoral
Figure 3: Vue opératoire. Arthrotomie de la hanche par voie antérieure - exérèse du nidus
Figure 4: Examen anatomopathologique de la pièce d’exérèse. Prolifération richement vascularisée du nidus entourée de travées ostéoïdes riches en cellules ostéoblastiques
Figure 5: Tomodensitométrie de la hanche gauche. Ostéome ostéoïde intra articulaire du col du fémur - petite formation lytique au sein de laquelle se trouve un nidus dense entouré d’un halo clair
Figure 6: Vue opératoire de l’OO de la hanche gauche: le nidus apparaît au niveau de la face supérieure du col fémoral
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