Spondylarthrite ankylosante et maladie de Still: un lien physiopathologique ou une simple association?
Nassira Aradoini, Sofia Talbi, Hamida Azzouzi, Fatima Zahra Abourazzak, Hajar Khibri, Rhizlane Berrady, Wafaa Bono, Taoufik Harzy
Corresponding author: Nassira Aradoini, Faculté de Médecine, Université Sidi Mohamed Ben Abdallah, Service de Rhumatologie, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc
Received: 13 Oct 2014 - Accepted: 13 Jan 2015 - Published: 10 Oct 2017
Domain: Clinical medicine
Keywords: Spondylarthrite ankylosante, Still, fièvre, glucocorticoïdes
©Nassira Aradoini et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Nassira Aradoini et al. Spondylarthrite ankylosante et maladie de Still: un lien physiopathologique ou une simple association?. Pan African Medical Journal. 2017;28:132. [doi: 10.11604/pamj.2017.28.132.5607]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/28/132/full
Original article
Spondylarthrite ankylosante et maladie de Still: un lien physiopathologique ou une simple association?
Spondylarthrite ankylosante et maladie de Still: un lien physiopathologique ou une simple association?
Ankylosing spondylitis associated with Still’s disease: should it be considered a pathophysiologic link or a simple association?
Nassira Aradoini1,&, Sofia Talbi1, Hamida Azzouzi1, Fatima Zahra Abourazzak1, Hajar Khibri2, Rhizlane Berrady2, Wafaa Bono2, Taoufik Harzy1
1Faculté de Médecine, Université Sidi Mohamed Ben Abdallah, Service de Rhumatologie, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc, 2Service de Médecine Interne, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc
&Auteur correspondant
Nassira Aradoini, Faculté de Médecine, Université Sidi Mohamed Ben Abdallah,
Service
de Rhumatologie, Centre Hospitalier Universitaire Hassan II, Fès, Maroc
La spondylarthrite ankylosante est un rhumatisme inflammatoire chronique,qui fait partie des groupes de spondyloarthrites, au cours duquel les signes généraux comme la fièvre et l'amaigrissement sont peu importants. La maladie de Still de l'adulte est une affection systémique rare, qui reste un diagnostic d'élimination, et qui associe classiquement une fièvre élevée hectique, une éruption cutanée, des arthrites, et des manifestations systémiques diverses. Peu de cas de spondylarthrites ankylosantes présentés avec un tableau de la maladie de Still de l'adulte ont été décrits dans la littérature. Nous rapportons un nouveau cas d'un patient de 31ans suivi pour spondylarthrite ankylosante et qui se présente avec une fièvre au long cours et des signes clinico-biologiques entrant dans le cadre de la maladie de Still de l'adulte. Un éventuel lien physiopathologique entre les deux pathologies peut être évoqué, même si leur survenue simultanée est rarement rapportée dans la littérature.
English abstract
Ankylosing spondylitis is a chronic inflammatory rheumatism; it is part of the group of spondyloarthrites. General signs such as fever and weight loss are of little importance. Adult Still’s disease is a rare systemic condition, a diagnosis of exclusion commonly characterized by high hectic fever, rash, arthritis and various systemic manifestations. Few cases of ankylosing spondylitis associated with adult Still’s disease have been described in the literature. We here report the case of a 31-year old patient followed up for ankylosing spondylitis presenting with fever which had lasted for a long time and clinico-biological signs compatible with adult Still’s disease. A possible pathophysiologic link between the two diseases may be suggested, even if their simultaneous occurrence has been rarely reported in the literature.
Key words: Ankylosing spondylitis, Still, fever, glucocorticoids
La spondylarthrite ankylosante est un rhumatisme inflammatoire chronique au cours duquel les signes généraux comme la fièvre et l'amaigrissement sont peu importants [1], et peuvent entrer dans le cadre d'une autre affection associée. Dans le cas de notre observation, les signes généraux entrant dans le cadre de la maladie de Still de l'adulte. La maladie de Still de l'adulte est une affection systémique rare, reste un diagnostic d'élimination, et associe classiquement une fièvre élevée hectique, une éruption cutanée, des arthrites, et des manifestations systémiques diverses. L'association de spondylarthrite ankylosante et de maladie de Still est rare. Quelques observations ont été rapportées dans la littérature. Cette association nous pousse à penser à un lien physiopathologique entre les deux pathologies.
Un homme de 31 ans, suivi pour une spondyloarthrite à prédominance axiale évoluant depuis 10 ans, le diagnostic a étéretenu selon les critères ASAS [2], avec la présence d'une sacroiliite à la tomodensitométrie du bassin (Tableau 1), des rachialgies inflammatoires remontant à plus de 3 mois, des arthrites asymétriques prédominant au membres inférieurs, et une enthésite faite de talalgie inflammatoire. Il a été mis sous plusieurs classes d'anti-inflammatoires non stéroïdiens (ketoprofene, indométacine, celecoxib) à dose pleine avec efficacité partielle. Le patient soufrait depuis 1 mois d'une polyarthrite bilatérale asymétrique des grosses et des petites articulations (les mains, les poignets, et les genoux), associée à des lombalgies inflammatoires, évoluant dans un contexte de fièvre et d'altération de l'état général. L'examen clinique révélait en plus des synovites des mains, des poignets et des genoux, une fièvre à 40°, une altération marquée de l'état général avec marche impossible et fonte musculaire importante, et des adénopathies cervicales et inguinales dures mobiles de 1,5 cm de grand axe. Les examens biologiques montraient un syndrome inflammatoire majeur (protéine C réactive à 300 mg/l, vitesse de sédimentation à 80 mm la première heure) associé à une hyperleucocytose à 15000 éléments/mm3 dont 88% des polynucléaires neutrophiles, une anémie inflammatoire (hémoglobine à 8,5 g/dl). La ponction du liquide articulaire mettait en évidence un liquide inflammatoire, stérile et sans cristaux (9000 éléments/mm3 dont 80% de polynucléaires neutrophiles). La recherche d'une maladie infectieuse était négative: des séries d'hémocultures au moment des pics fébriles, l'examen cytobactériologique des urines, le bilan phtysiologique (recherche de bacille tuberculeux dans les expectorations et l'intradermo-réaction), les sérologies virales (HIV, hépatite B et C et syphilis), la ponction lombaire, la radiographie thoracique et l'échographie cardiaque à la recherche d'une endocardite. Malgré la négativité du bilan infectieux et devant la persistance de fièvre, un traitement antibiotique probabiliste était instauré mais sans efficacité.Une enquête plus approfondie était effectuée à la recherche d'une pathologie néoplasique notamment lymphomateuse: une tomodensitométrie cervico-thoraco-abdomino-pelvienne (TDM C-TAP) objectivait des adénopathies cervicales bilatérales infra-centimétriques, des multiples adénopathies axillaires et inguinales avec splénomégalie. La biopsie de l'adénopathie axillaire était en faveur d'une adénite réactive. Dans le cadre d'une maladie auto-immune: anticorps antinucléaires et facteur rhumatoïde étaient négatifs. Le diagnostic de la maladie de Still a été suspecté et on a complété par le dosage de la ferriténémie revenait élevée à 4787 dont la fraction glycosylée représentait 15%. Le tableau clinique s'enrichissait par l'apparition de rash cutané rose saumon maculo-papuleux et prurigineux (Figure 1) au moment des pics fébriles et qui disparaissait après 5jours. Le tableau de présentation remplissait les critères diagnostiques de la maladie de Still de l'adulte selon Yamaguchi et Fautrel (Figure 2), et un traitement par glucocorticoïde à base de prednisolone à forte dose (60 mg/j) était instauré pendant 4semaines puis dégression progressive. L'évolution était marquée par la disparition de la fièvre dès l'introduction de prednisolone, la régression des synovites dès la deuxième semaine de corticothérapie, la disparition des adénopathies inguinales à la troisième semaine, et la régression du syndrome inflammatoire biologique après une semaine du début de la corticothérapie.
La spondylarthrite ankylosante est un rhumatisme inflammatoire chronique au cours duquel la fièvre au long cours est rarement présente [1]. Cette observation permet de rappeler que lorsque la fièvre au long cours se présente, il faut penser à l'association avec d'autres affections systémiques. Dans notre cas, la maladie de Still de l'adulte se rajoute à un tableau connu de Spondyloarthrite, ce qui nous pousse à penser à un lien physiopathologique entre les deux pathologies.L'association de spondylarthrite ankylosante et MSA est rarement rapportée dans la littérature. AKKOC et al rapportait une série de 4 patients atteints de spondyloarthrite se présentaient avec un tableau cliniques de la MSA [3]. Tous les patients présentaient une fièvre prolongée, un rash cutané fugace, mais aussi des arthrites et des rachialgies inflammatoires. Dans une série ancienne de 202 cas de maladie de Still juvénile, une sacroiliite probable ou définie a été détectée chez 24% de ces patients [4]. Bien que la présence de sacroiliite chez 9% des patients porteurs de MSA a été mentionné dans une grande revue synoptique d'articles disponible sur le web [5], mais il n'existe pas à l'heure actuelle des données formelles sur la prévalence da la sacroiliite dans la MSA. La physiopathogénie de la MSA et de la spondyloarthrite est en grande partie inconnue. Il y'a une forte prédisposition génétique associée à l'HLA B27 pour développer les différents types de spondyloarthrites. L'association de la MSA aux certains sous types de HLA était rapportée notamment HLA B17, B18, B35, et DR2 [6], mais aucune relation avec HLA B27 n'a été démontrée [3]. L'hypothèse d'agent infectieux comme facteur déclenchant a été soulevé dans les deux pathologies MSA et spondyloarthrite, surtout chez les patients à prédisposition génétique. Dans la spondylarthrite ankylosante le microbiote intestinal est suspecté d'être responsable de l'apparition de la maladie [7]. Quant à la MSA l'hypothèse d'une infection virale ou bactérienne agissant comme facteur déclenchant a souvent été évoquée, mais les preuves sont faibles. Dans quelques observations, le début de la MSA survient après une infection virale, bactérienne, voire parasitaire plus ou moins bien documentée [8].
L'association de spondylarthrite ankylosante à la MSA est une association rare mais possible, elle doit être évoquée à chaque fois qu'un patient connu porteur de spondyloarthrite se présentant avec une fièvre au long cours avec polyadenopathie et syndrome inflammatoire biologique important en dehors de toute infection ou pathologie néoplasique. L'hypothèse d'un lien physiopathologique entre les deux pathologies reste encore à prouver.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont participé à la prise en charge du patient et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau
1: les principaux critères diagnostiques de la maladie de Still de
l’adulte
Figure 1: TDM du bassin, coupe frontale, objectivant une sacroiliite avec condensation des berges et érosions
Figure 2: rash cutané rose saumon maculo-papuleux et prurigineux
- Arlet JB, Gentelle S, Grasland A, Pouchot J, Vinceneux P. Les formes fébriles de laspondylarthrite ankylosante. Rev Med Interne. 2002 Jan; 23(1): 81-4. Google Scholar
- Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, Akkoc N, Brandt J, Chou CT et al. The Assessment of SpondyloArthritis International Society classification criteria for peripheral spondyloarthritisand for spondyloarthritis in general. Ann Rheum Dis. 2011 Jan; 70(1): 25-31. PubMed | Google Scholar
- Akkoc N, Sari I, Birlik M, Pay S, Binicier O, Akar S, Onen F. Ankylosing spondylitis and spondylarthropathy presenting with a clinical picture of adult onset Still's disease: case series. Rheumatology (Oxford). 2008 Sep; 47(9): 1436-7. Google Scholar
- Carter ME. Sacro-iliitis in Still's disease. Ann Rheum Dis. 1962 June;21(2):105-20. Google Scholar
- Cush JJ. Adult-onset still's disease-a circadian syndrome? Internal Medicine Grand Rounds. The University of Texas Southwestern Medical Center at Dallas. 5 January 1994; Accessed on 05 January 2015.
- Bagnari V, Colina M, Ciancio G, Govoni M, Trotta F. Adult-onset Still's disease. Reumatol Int. 2010 May; 30(7): 855-862. PubMed | Google Scholar
- Sieper J, Braun J. Pathogenesis of spondylarthropathies. Persistant bacterial antigen, auto-immunityor both? Arthritis Rheum. 1995 Nov; 38(11):1547-54. PubMed | Google Scholar
- Valtonen JMO, Kosunen TU, Karjalainen J, Valtonen M, Leirisalo-Repo M, Valtonen VV. Serological findings in patients with acute syndromes fulfilling the proposed criteria of adult onset Still's disease. Scand J Rheumatol. 1997; 26(5): 342-5. Google Scholar