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Original article

Un taux de procalcitonine sérique déroutant!

Un taux de procalcitonine sérique déroutant!

Confusing serum procalcitonin (PCT) level!

Belarj Badia1, Zegmout Adil2, Biaz Asmae1, El Machtani Samira1,3, Bouhsain Sanae1,3, Dami Abdallah1,3, Aissam El Maataoui4,&, Abid Ahmed1,2, Ouzzif Zohra1,3

 

1Laboratoire de Biochimie-Toxicologie, Hôpital Militaire d’Instruction Militaire Mohammed V (HMIMV), Rabat, Université Mohammed V, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Maroc, 2Service de Pneumo-Phtysiologie, HMIMV, Rabat, Université Mohammed V, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Maroc, 3Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Université Mohamed V, Rabat, Maroc, 4Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Agadir, Université Ibn zohr, Agadir, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Aissam El Maataoui, Faculté de Médecine et de Pharmacie d’Agadir, Agadir, Maroc

 

 

Résumé

La procalcitonine (PCT) est un marqueur de gravité du sepsis, dont la valeur absolue et la cinétique sont corrélées à la sévérité de l'infection. On rapporte le cas d'un patient qui présente une PCT très élevée sans relation avec un sepsis. Il s'agit d'un homme âgé de 55 ans, admis en rhumatologie pour des lombosciatalgies hyperalgiques fébriles. Le bilan biologique a montré une hyperleucocytose à 15000 élément/mm3 à prédominance neutrophile, associée à une CRP et une PCT sériques, respectivement à 305 mg/l et 2,5ng/ml. Devant ce tableau évocateur de sepsis, des hémocultures étaient réalisées et un traitement antibiotique probabiliste était instauré. L'absence d'évolution favorable du malade ainsi que la discordance entre les chiffres de la PCT demeurant très élevés et les hémocultures négatives, une IRM dorso-lombaire était réalisée. Elle a objectivé une arthrite de la hanche droite, associée à des lésions osseuses multiples secondaires du squelette axial évoquant une origine néoplasique. Une TDM thoraco-abdomino-pelvienne a montré la présence d'une masse pulmonaire gauche. La biopsie pulmonaire a révélé un adénocarcinome infiltrant.


English abstract

Procalcitonin (PCT) is a marker of severity of sepsis, whose absolute value and kinetics are correlated to the severity of the infection. We here report the case of a 55-yer old patient admitted to Rheumatology with feverish hyperalgesic lombosciatalgies. He had very high PCT level without any correlation with sepsis. Laboratory tests showed neutrophilic hyperleukocytosis at 15000 Item/mm3 associated with CRP and PCT serum at 305 mg/l and 2,5ng/ml respectively. Given this suggestive sepsis presentation, bloodcultures were performed and probabilistic antibiotic treatment was introduced. MRI of dorsolumbar spine was performed due to the absence of favorable outcome of patient as well as the discrepancy between PCT levels which were very high and negative blood cultures. MRI showed arthritis in right hip associated with multiple secondary bone lesions of the axial skeleton of supposed neoplastic origin. Thoraco-abdominopelvic CT scan showed left lung mass. Lung biopsy showed an infiltrating adenocarcinoma.

Key words: Procalcitonin, pulmonary adenocarcinoma, sepsis

 

 

Introduction    Down

La procalcitonine (PCT), protéine clivée en calcitonine, est un marqueur de gravité du sepsis, dont la valeur absolue et la cinétique sont corrélées à la sévérité de l'infection. Dans les conditions physiologiques, ce sont les cellules C de la thyroïde et les cellules endocrines du poumon qui produisent la calcitonine par protéolyse intracellulaire de la PCT. En réponse à un stimulus hormonal, la PCT subit un processus de maturation intracellulaire pour être stockée sous forme de calcitonine. On rapporte le cas d'un patient qui présente une PCT très élevée sans relation avec un sepsis.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s'agit d'un patient âgé de 55 ans, tabagique chronique, qui a consulté en rhumatologie pour des lombosciatalgies hyperalgiques de type L5 gauche fébriles évoluant depuis 2 mois, rebelles aux traitements antalgiques usuels. L'examen clinique initial a révélé un psoitis avec limitation douloureuse de la hanche gauche. Le bilan biologique était en faveur d'un syndrome inflammatoire avec une hyperleucocytose à 15000 élément/mm3 à prédominance neutrophile, une CRP chiffrée à 305 mg/l, une vitesse de sédimentation (VS) à 80 mm à la 1ère heure, et une PCT sérique à 2,5 ng/ml. Devant ce tableau clinico-biologique, un bilan infectieux (comprenant des hémocultures, un examen cytobactériologique des urines, un examen cytobactériologique des expectorations) a été réalisé et s'est révélé négatif. Un traitement antibiotique probabiliste a été instauré. Devant l'absence d'amélioration clinico-biologique avec des taux de PCT demeurant très élevés; une imagerie par résonance magnétique (IRM) dorso-lombaire était réalisée et a objectivé une arthrite de la hanche droite, associée à des lésions osseuses multiples secondaires du squelette axial (rachis et bassin) évoquant une origine néoplasique (Figure 1).

Par ailleurs, le patient présentait une dyspnée d'effort d'aggravation progressive, évoluant dans un contexte d'amaigrissement important et d'altération de l'état général. L'examen pleuropulmonaire, thyroïdien et des aires ganglionnaires étaient sans particularités. Une radiographie thoracique de face a montré une opacité sous hilaire gauche à contours spiculés, associée à une opacité hilaire gauche à contours polycycliques (Figure 2). La tomodensitométrie thoracique a confirmé la présence d'une opacité ronde de densité tissulaire du lobe inférieur du poumon gauche associée à des nodules satellites, de volumineuses adénopathies médiastinales au niveau sous carinaire et hilaire gauche (Figure 3). Un rétrécissement de l'orifice de Nelson gauche par un épaississement irrégulier de la muqueuse bronchique a été révélé à la fibroscopie. L'étude histologique des biopsies réalisées par une ponction transpariétale scanoguidée (Figure 4) a montré un aspect morphologique d'un adénocarcinome infiltrant moyennement différencié dont le profil immuno-histochimique cadrait avec une origine pulmonaire (TTF1 positif). La scintigraphie thyroïdienne était normale. Une scintigraphie osseuse a trouvé des localisations secondaires, intéressant la tête humérale droite, le rachis dorsal et lombaire, le grill costal, le bassin, la diaphyse fémorale gauche et droite, et un foyer crânien pariétal droit (Figure 5). Des métastases frontales, occipitales gauches et sphénoïdales ont été observées à l'IRM cérébrale. La tumeur était classée stade IV (T4N2M1). L'évolution était marquée par l'aggravation de l'état général du patient avec un performans status à 4, ainsi que l'installation d'une thrombopénie à 30 000 plaquettes/mm3, témoignant d'une insuffisance médullaire probablement métastatique. La décision thérapeutique, après une réunion de concertation pluridisciplinaire, était de mettre le patient sous soins de support et traitements palliatifs. Le patient est décédé 01 mois après la découverte de la tumeur pulmonaire.

 

 

Discussion Up    Down

La PCT, protéine de 116 acides aminés et de poids moléculaire de 12,6 kDa, est le précurseur de la calcitonine, hormone hypocalcémiante. Seul le gène CALC-I de la superfamille des cinq gènes CALC, code pour la PCT [1]. Dans les conditions physiologiques, l'expression du gène CALC-I est limitée aux cellules C de la thyroïde et aux cellules K neuroendocrines du poumon. Au cours d'infection bactérienne, il a été prouvé que la PCT est en grande partie d'origine hépatique. Cela a été confirmé par Nijsten et al. [2] qui ont démontré que le tissu hépatique humain produit des taux importants de PCT après stimulation par le tumor necrosis factor (TNF) ou l'interleukine-6 (IL-6) [3]. La PCT est décrite comme un marqueur de l'inflammation spécifique des infections bactériennes, peu influencé dans les infections virales et les syndromes inflammatoires sans cause infectieuse. Dans les infections respiratoires, l'examen clinique et les tests de laboratoire de routine n'ont pas une spécificité suffisante pour différencier les pneumopathies bactériennes des pneumopathies virales. Ceci entraine une prescription excessive et souvent inappropriée d'antibiotiques, avec le risque de sélection de mutants résistants. Le travail de Christ-Crain et al. [4] met en valeur, l'utilisation de la PCT comme outil de décision thérapeutique. Cette étude montre que le dosage de la PCT dans un groupe de patients hospitalisés pour infection pulmonaire permet de réduire de 50 % l'usage d'antibiotiques, en comparaison avec un groupe semblable pris en charge sans dosage de PCT. La PCT semble également être un indicateur de sévérité de l'infection, utilisée pour l'évaluation du pronostic. L'augmentation de la PCT au cours du sepsis est directement proportionnelle à l'intensité de la réaction inflammatoire de l'hôte à l'agression bactérienne. Une autre application privilégiée de la PCT en médecine est certainement sa capacité à différencier un processus infectieux bactérien d'un processus inflammatoire, capacité que n'ont ni la VS, ni la CRP. La méta-analyse de Simon et al. [5], rapporte que la PCT a une meilleure sensibilité et spécificité que la CRP, 88 versus 75 % et 81 versus 67 % respectivement.

 

En cancérologie, Penel et al. ont testé les performances de la PCT pour différencier, chez des patients cancéreux fébriles, les complications infectieuses des fièvres paranéoplasiques. Dans cette étude rétrospective, la PCT était plus élevée dans le premier groupe (3,53 vs 0,74 ng/ml) [6]. Dans une étude prospective, Baykal et al. ont mesuré les valeurs de la CRP et de la PCT chez 79 patients atteints de carcinome pulmonaire non à petites cellules (CPNPC), et les ont comparées à un groupe témoin apparemment en bonne santé. Les taux de CRP étaient significativement plus élevés chez les patients atteints de CPNPC en dehors de tout contexte infectieux, alors qu´aucune différence significative n´a été détectée pour les concentrations de PCT, avec des valeurs médianes au dessous de la valeur seuil de 0,5 ng/ml dans les deux groupes [7]. Selon cette étude, les résultats obtenus permettent de suggérer la contribution du dosage de PCT dans l´exclusion des infections chez les patients atteints de CPNPC. Cependant, notre observation met en doute cette conclusion, et illustre une situation clinique où la valeur très élevée de la concentration sérique de la PCT était corrélée à la néoplasie pulmonaire et au stade disséminé de la maladie. Néanmoins, en dehors des infections bactériennes, la PCT peut être augmentée chez le polytraumatisé ou après une intervention chirurgicale lourde, chez le grand brulé, chez l'insuffisant rénal dialysé par voie péritonéale, au cours d'accès palustre et au cours d'infections fongiques sévères, mais aussi au cours d'un cancer médullaire de la thyroïde et du cancer du poumon à petite cellule [8]. Cette réactivité du marqueur pourrait s'expliquer tantôt par un mécanisme physiopathologique impliquant le TNF-α, tantôt par l'implication des cellules C de la thyroïde ou de cellules proches de par leur origine embryologique. Le premier cas de figure pourrait expliquer l'élévation de la PCT au cours du syndrome d'activation macrophagique, de la maladie de Kawasaki, du coup de chaleur, dans les tous premiers jours du polytraumatisé ou après injection d'immunosuppresseur en post-transplantation d'organe. La seconde hypothèse pourrait expliquer l'élévation du marqueur au cours de certains carcinomes bronchiques à petites cellules ou cancers médullaires de la thyroïde [8].

 

Il existe probablement d'autres voies de stimulation de la synthèse de PCT comme en témoigne l'augmentation de ce marqueur dès les premiers jours chez les grands brûlés (et ce, en l'absence de TNF-α détectable et d'infection documentée) ou chez le nouveau-né dans le premier jour de vie [9]. De même, une étude menée chez des patients ayant reçu une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques a rapporté des valeurs médianes de PCT de 3,7 ± 6,6 ng/ml au premier jour de fièvre lors des réactions de rejet du greffon contre l'hôte. Enfin, une étude a rapporté une élévation de la PCT (en règle inférieure à 2 ng/ml) dans une cohorte de 22 patients atteints d'un syndrome d'hyper-IgD [10]. Concernant les néoplasies pulmonaires, les concentrations de PCT sont élevées en présence de tumeurs avec une composante neuroendocrine ou des métastases hépatiques, comme le montre la série de Patout et al. Un taux sérique de PCT au-dessus de 0,15 ng/ml était indépendamment liée à la présence d´une composante neuroendocrine dans la tumeur ; par conséquent, les valeurs médianes des taux sériques de la PCT étaient significativement plus élevées dans les cancers du poumon à petites cellules que dans les adénocarcinomes pulmonaires : 0,33 ng / ml par rapport à 0,07 ng / ml (p < 0,001) [11]. Pour notre cas d'adénocarcinome pulmonaire, le taux sérique de la PCT était de 2,5 ng/ml. Aucun cas d'élévation de la PCT n'a été rapporté dans la littérature en association à un cancer pulmonaire non à petite cellule (Adénocarcinome pulmonaire).

 

 

Conclusion Up    Down

Sans être le marqueur idéal des infections bactériennes en cancérologie pulmonaire, l'apport du dosage de PCT a cependant permis une meilleur spécificité et une corrélation claire avec le pronostic par rapport à la CRP. Nous rapportant le premier cas à notre connaissance d'élévation de la PCT en association à un Adénocarcinome pulmonaire (cancer pulmonaire non à petite cellule).

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflits d'intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: IRM dorso-lombaire montrant des lésions nodulaires et en plage des vertèbres dorsales, lombaires et sacrés

Figure 2: radiographie thoracique montrant une opacité para-trachéale gauche de contours irréguliers, associée à une opacité hilaire gauche

Figure 3: coupe scannographique montrant une masse pulmonaire périphérique du lobe inférieur gauche, de contours spiculés

Figure 4: biopsie scannoguidée de la masse tumorale par une aiguille semi-automatique

Figure 5: image scintigraphique montrant de multiples hyperfixations pathologiques au niveau de l’humérus, rachis dorsal et lombaire, gril costal, bassin et fémurs

 

 

Références Up    Down

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