Thrombose de la veine dorsale profonde de la verge revelant une maladie de Behcet
Ali Beddouche, Hicham Ouaziz, Sinane Zougaghi, Abdelilah Alaoui, Hamza Dergamoun, Hachem El Sayegh, Ali Iken, Lounis Benslimane, Yassine Nouini
Corresponding author: Ali Beddouche, Service d’Urologie A, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat, Maroc
Received: 11 Mar 2016 - Accepted: 15 Apr 2016 - Published: 06 May 2016
Domain: Clinical medicine
Keywords: Thrombose, veine dorsale, verge, maladie de Behçet
©Ali Beddouche et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Ali Beddouche et al. Thrombose de la veine dorsale profonde de la verge revelant une maladie de Behcet. Pan African Medical Journal. 2016;24:17. [doi: 10.11604/pamj.2016.24.17.9309]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/24/17/full
Thrombose de la veine dorsale profonde de la verge revelant une maladie de Behcet
Deep dorsal penile vein thrombosis revealing Behcet’s disease
Ali Beddouche1, &, Hicham Ouaziz1, Sinane Zougaghi1, Abdelilah Alaoui1, Hamza Dergamoun1, Hachem El Sayegh1, Ali Iken1, Lounis Benslimane1, Yassine Nouini1
1Service d’Urologie A, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat, Maroc
&Auteur correspondant
Ali Beddouche, Service d’Urologie A, Hôpital Ibn Sina, CHU Rabat, Maroc
La thrombose de la veine dorsale profonde de la verge (TVDPV) est une urgence rare et mal connue en urologie. Elle nécessite une prise en charge précoce symptomatique et étiologique afin de préserver la fonction érectile et d’éviter les récidives. Nous rapportant à travers notre observation un cas de thrombose veineuse dorsale de la verge révélée par un priapisme spontané non résolutif, et confirmé par un écho-doppler pénien. Apres prise en charge du priapisme et de la TVDPV, l’enquête étiologique a révélé une maladie de Behçet dont le diagnostic a été retenu sur l’association d’un critère majeur qui est l’aphtose buccale, et de 3 critères mineurs que sont: l’aphtose génitale, l’atteinte oculaire, et un test pathergique cutané positif à 24h. Un traitement étiologique a été instauré avec bonne évolution clinique, et conservation de la fonction érectile.
English abstract
Deep dorsal penile vein thrombosis (DDPVT)is a rare and little known urologic emergency. It requires an early etiological and symptomatic approach to preserve erectile function and prevent recurrences. This study reports a case of dorsal penile vein thrombosis revealed by spontaneous priapism that didn’t resolve adequately and confirmed by penile Doppler ultrasound. After management of priapism and DDPVT, the etiological investigation revealed Behcet’s disease whose diagnosis was based on the association of a major criteria, such as oral aphthous ulcers with 3 minor criteria such as : genital aphthous ulcers, ocular involvement, and a positive skin pathergy test within 24h. The patient underwent etiological treatment with good clinical evolution and preservation of erectile function.
Key words: Thrombosis, dorsal vein, penis, Behcet’s disease
La thrombose de la veine dorsale profonde de la verge (TVDPV) est une pathologie rare et mal connue en urologie. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique, nécessitant une prise en charge rapide symptomatique et étiologique. Sur le plan physiopathologique, la TVDPV bloque le retour veineux provoquant une congestion des corps caverneux avec compression des artères intra-caverneuses pouvant aboutir à une ischémie pénienne et compromettre la fonction érectile [1]. A travers notre observation nous rapportons un cas exceptionnel de thrombose de la veine dorsale de la verge révélant une maladie de Behçet.
Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 54 ans, sans antécédents pathologiques particuliers, consultant pour un priapisme spontané, douloureux et non résolutif, évoluant depuis plus de 6 heures. Un écho-doppler pénien réalisé en urgence a révélé une thrombose de la veine dorsale de la verge (Figure 1). Le patient a bénéficié initialement d’injections intra-caverneuses d’alpha- stimulants (Ephédrine), d’une ponction aspiration trans-glandulaire, ainsi qu’un traitement anticoagulant à base d’héparine de bas poids moléculaire relayé par les anti-vitamines K. Après détumescence satisfaisante et amélioration des symptômes, la reprise de l’interrogatoire a révélé la survenue récurrente d’aphtoses buccales, de polyarthralgies asymétriques intéressant les grosses articulations, ainsi qu’une baisse récente de l’acuité visuelle. L’examen clinique a retrouvé un aphte buccal (Figure 2), des lésions cicatricielles d’ulcérations génitales, ainsi qu’une uvéite antérieure lors de l’examen à la lampe a fente (Figure 3, Figure 4). Le bilan biologique a révélé un syndrome inflammatoire isolé, sans trouble d’hémostase, ou hémopathie associée. Le diagnostic de maladie de Behcet a été retenu selon les nouveaux critères de l’American College of Rhumatology de 2007, sur l’association d’un critère majeur qui est l’aphtose buccale, et de 3 critères mineurs que sont : l’aphtose génitale, l’atteinte oculaire, et un test pathergique cutané positif à 24h. parallèlement aux AVK, le patient a été mis sous colchicine pour l’aphtose buccale, corticoïdes et mydriatique pour l’uvéite antérieure, ainsi qu’un traitement immunosuppresseur à base d’Azathioprine. L’évolution a été marquées par une amélioration des symptômes, avec conservation de la fonction érectile.
La thrombose de la veine dorsale de la verge est une pathologie rare en urologie, dont la symptomatologie est polymorphe, pouvant aller de la simple douleur à type de lourdeur, à l’œdème jusqu’au priapisme [1].
Le diagnostic repose principalement sur l’écho-doppler veineux par la mise en évidence d’un thrombus échogène au sein d’une veine distendue et incompressible, avec absence de flux dans la veine dorsale profonde de la verge en doppler couleur [2].
La prise en charge repose sur le traitement précoce du priapisme s’il existe, de la thrombose (traitement anticoagulant à base d’héparine de bas poids moléculaire relayé par les anti-vitamines K), ainsi que l’étiologie afin de préserver la fonction érectile et d’éviter les récidives [3,4]. Les étiologies de la thrombose veineuse profonde de la verge sont celles de toute thrombose veineuse : les maladies de système (dont la maladie de Behçet), les hémophilies, les hémopathies, les cancers, la chirurgie et les traumatismes [5,6].
Décrite pour la première fois en 1937 par le professeur Turque Hulusi Behçet en 1937 [7], la maladie qui porte son nom est une vascularite multisystémique caractérisée par des aphtes buccaux récidivants, des ulcères génitaux, une atteinte inflammatoire oculaire, des lésions cutanées et une atteinte fréquente des articulations. Le système nerveux central, le tractus gastro-intestinal et les vaisseaux sont moins fréquemment touchés, mais leur atteinte peut donner lieu à des complications vitales.
Les atteintes vasculaires appelées aussi angio-behcet touchent le plus souvent l’adulte jeune de sexe masculin et surviennent dans 46% des cas. Il s’agit le plus souvent de thromboses veineuses se localisant essentiellement dans les veines périphériques. Les atteintes artérielles sont plus rares et surviennent dans 16% des cas [8].
Le diagnostic de La maladie de Behçet est essentiellement clinique, et fait appel aux critères internationaux publiés en 1990 proposés par l’international study group for Behçet’s disease (Tableau 1) [9], et révisés en 2007 pour plus de sensibilité et de spécificité [10]. Le diagnostic est retenu devant l’association d’un critère majeur, qui est l’aphtose buccale (au moins 3 x/année), et au moins deux critères mineurs parmi lesquels on trouve les ulcérations génitales récurrentes, les lésions oculaires, les lésions cutanées et le test pathergique positif.
Le traitement de la maladie de Behçet est symptomatique et dépend essentiellement de ses manifestations cliniques. Un traitement immunosuppresseur peut être envisagé devant toute aggravation ou récurrence de ses symptômes malgré un traitement adapté.
La thrombose de la veine dorsale profonde de la verge est une urgence urologique. Le traitement doit être instauré rapidement sinon le pronostic sexuel peut en être compromis. L’association possible à d’autres pathologies doit inciter à réaliser un bilan étiologique en fonction du contexte clinique, et instaurer un traitement adapté afin d ’éviter les récidives.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Ali Beddouche: examen clinique, explorations, prise en charge symptomatique et étiologique, discussion du cas et décision concernant le suivi. Hicham Ouaziz: prise en charge initiale, discussion du cas et décision concernant le suivi. Sinane Zougaghi: discussion du cas et décision concernant le suivi. Abdelilah Alaoui: discussion du cas et décision concernant le suivi. Hamza Dergamoun: discussion du cas et décision concernant le suivi. Hachem El Sayegh: discussion du cas et décision concernant le suivi. Ali Iken: discussion du cas et décision concernant le suivi. Lounis Benslimane : discussion du cas et décision concernant le suivi. Yassine Nouini: discussion du cas et décision concernant le suivi. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau
1: critères de classification de la maladie de Behçet, proposés par
l’International Study Group for Behçet’s Disease
Figure 1: écho-doppler pénien: thrombus échogène au sein d’une veine distendue et incompressible
Figure 2: aphte de la face interne de la joue
Figure 3: uvéite antérieure lors de l’examen à la lampe à fente
Figure 4: uvéite antérieure lors de l’examen à la lampe à fente après dilatation
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