Evaluation de l’utilisation du protocole national de prise en charge du paludisme simple des enfants à Matam, Guinée Conakry
Evaluation of the use of national protocol for the treatment of uncomplicated malaria in children of Matam, Guinea Conakry
Corresponding author: Mamadou Saliou Sow, Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital National de Donka, Centre Hospitalier Universitaire de Conakry
Received: 22 Jul 2015 - Accepted: 03 Nov 2015 - Published: 27 Apr 2016
Domain: Clinical medicine
Keywords: Evaluation, paludisme simple, Conakry
©Evaluation of the use of national protocol for the treatment of uncomplicated malaria in children of Matam et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Evaluation of the use of national protocol for the treatment of uncomplicated malaria in children of Matam et al. Evaluation de l’utilisation du protocole national de prise en charge du paludisme simple des enfants à Matam, Guinée Conakry. Pan African Medical Journal. 2016;23:247. [doi: 10.11604/pamj.2016.23.247.7578]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/23/247/full
Original article
Evaluation de l’utilisation du protocole national de prise en charge du paludisme simple des enfants à Matam, Guinée Conakry
Evaluation de l’utilisation du protocole national de prise en charge du paludisme simple des enfants à Matam, Guinée Conakry
Evaluation of the use of national protocol for the treatment of uncomplicated malaria in children of Matam, Guinea Conakry
Mamadou Saliou Sow1,&, Mamadou Oury Safiatou Diallo1, Boushab Mohamed Boushab2, Mamoudou Savadogo3, Ibrahima Kalil Diawara4
1Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital National Donka, CHU Conakry, 2Service de Médecine Interne du Centre Hospitalier d’Aioun, Mauritanie, 3Service des Maladies Infectieuses, Hôpital Yalgado Ouédraogo, Burkina Faso, 4Université Gamal Abdel Nasser de Conakry
&Auteur correspondant
Mamadou Saliou Sow, Service des Maladies Infectieuses et Tropicales, Hôpital
National
de Donka, Centre Hospitalier Universitaire de Conakry
L'objectif était d'évaluer l'usage du nouveau protocole national de prise en charge du paludisme simple. Il s'agit d'une étude transversale de type descriptif menée du 01 octobre au 31 Décembre 2013. L'enquête a été faite dans les six services de santé de la commune de Matam et a intéressé tous les patients de 0-15 ans venant en consultation dans ces centres de santé d'une part et les prestataires de soins de ces dits centres d'autre part. Nous avons enregistré 545 patients dont 52,1% de sexe féminin, l'âge moyen était de 5,62±5. Plus de la moitié (60,2%) des prescriptions étaient conformes au protocole mais aucun prestataire ne s'en servait parce qu'inaccessible. Seulement 72% savaient de l'existence de ce protocole. La disponibilité et l'utilisation du protocole national de prise en charge du paludisme simple restent faibles. La formation continue du personnel semble nécessaire.
English abstract
The aim of this study was to evaluate the use of new national protocol for the treatment of uncomplicated malaria. This is a descriptive cross-sectional study conducted from 01 October to 31 December 2013. Our survey was conducted in six health services in the municipality of Matam and involved all patients aged 0-15 years consulting in these health centers, on the one hand, and the health care providers of these so called centers on the other hand. We recorded 545 patients (52.1% female), the average age was 5.62 ± 5. More than half (60.2%) of the prescriptions were in accordance with protocol, but no provider used it because it was inaccessible. Only 72% knew of the existence of this protocol. The availability and use of the national protocol for the treatment of uncomplicated malaria remain weak. Continuous staff training seems necessary.
Key words: Evaluation, uncomplicated malaria, Conakry
Le paludisme demeure la plus grande endémie parasitaire dans le monde. Selon l'Organisation Mondiale de la Santé [1], 207 millions de cas (135-287 millions) et 627 mille décès (473-789 mille) ont été notifiés en 2012. Plus de 90% de cas de décès venaient de la région Africaine. 482 mille [408-567 mille] cas de décès survenaient chez les enfants de moins de 5 ans, soit 77% du total global, dont la majorité était notifiée dans la région africaine. En Guinée le paludisme constitue un problème majeur de santé Publique, c'est la première cause de consultation (28%), et d'hospitalisation (34%) [2]. En milieu hospitalier le taux de létalité globale est de 15% soit 26% chez les enfants de moins de 5 ans [2]. Ce problème est aggravé par la diffusion générale de la résistance de plasmodium falciparum à la chloroquine liée à la mauvaise observance des traitements et à la chimio prévention [3]. Devant l'extension de la résistance des plasmodiums aux antipaludiques rapportés dans plusieurs pays de la sous région [4], l'organisation mondiale de la santé (OMS) a prôné un changement de stratégie dans la prise en charge du paludisme tout en recommandant l'utilisation des combinaisons thérapeutiques. Actuellement, sont commercialisées beaucoup de combinaisons thérapeutiques à base d'arthémisinine pour le traitement du paludisme mais seulement deux sont retenues pour le traitement du paludisme non compliqué : Artésunate-Amodiaquine et Arthémeter-lumefantrine [3]. La Guinée a mis en place un plan stratégique 2013-2017 en élaborant des directives et un protocole de prise en charge du paludisme simple et grave. Les données concernant l'utilisation de ce protocole et sa perception par les prescripteurs du secteur public et privé sont peu disponibles. C'est dans ce cadre que s'inscrit cette étude dont l'objectif était d'évaluer l'usage du nouveau protocole national de prise en charge du paludisme simple.
Nous avons mené une étude transversale de type descriptif allant du 01 Octobre au 31 Décembre 2013 dans la commune de Matam. Elle est l'une des cinq communes de la ville de Conakry et abrite six structures sanitaires: les services de pédiatrie du Centre Médical Communal de Matam, du Centre Médical Communal de Coleah, du Centre de Santé de Madina, la Clinique Bel air, le Centre de Santé Kalima et le Centre de Santé Trinité de Coleah corniche. Ont été inclus les prescripteurs qui ont consenti et répondu au questionnaire et les enfants âgés de 0 à 15 ans reçus, présentant un paludisme simple confirmé biologiquement soit par une goutte épaisse (GE), soit par un test de diagnostic rapide (TDR). Les cas de paludisme grave, les prescripteurs et les parents d'enfants qui n'étaient pas consentant pour participer à l'étude ont été non inclus. Dans un premier temps, nous nous sommes intéressés aux prescripteurs par une évaluation de leur connaissance et attitude à partir d'un questionnaire préétabli et d'une observation directe non participante. L'évaluation portait sur les connaissances des prestataires concernant l'existence d'un protocole de prise en charge du paludisme simple, sa disponibilité en mode affiché ou dans leurs tiroirs. Les molécules recommandées (posologie, durée de traitement) ainsi que leur attitude en matière de prescription de première intention dans l'accès palustre simple ont été aussi recherchées. Dans un deuxième temps, nous avons recueillis toutes les informations figurant sur le carnet de chaque enfant après la consultation. Les variables ont été sociodémographiques des prescripteurs et des patients: âge, sexe, centre de santé. Nous avons noté aussi le type de CTA administré (Artésunate/Amodiaquine, Arthémeter/Lumefantrine, Arthémeter/ Pipéraquine, Dihydroartemésinine/Pipéraquine) ou monothérapie reçue (Chloroquine, Amodiaquine, Quinine) en précisant la posologie et la durée de traitement. Le protocole national de traitement du paludisme est l'ensemble de recommandations et règlements à propos des médicaments antipaludiques et leur utilisation en République de Guinée. Le protocole recommande l'utilisation des combinaisons fixes à base d'arthémésinine (ACT) parmi lesquelles Artésunate/Amodiaquine (AS/AQ) en 1ère intention ou d'Arthémeter/Lumefantrine en 2ème intention pendant 3 jours et pas de monothérapie (chloroquine, quinine etc...) à cause des risques de résistance. Une prescription était conforme si elle appliquait cette recommandation. Elle était non conforme si elle était à base d'autre CTA (Arthémeter/Pipéraquine, Dihydroartemésinine/Pipéraquine) ou d'une (monothérapie (Chloroquine, Amodiaquine, Camoquine). L'utilisation de quinine (PalujectR) pour le traitement du paludisme simple était non conforme. La durée du traitement était correcte si elle était de 3 jours; incorrecte si la durée était supérieur ou inférieur à 3 jours. Les données ont été saisies et analysées grâce aux logiciels Excel et épi-info3.5.0 Le protocole de l'étude a été approuvé par le comité d'éthique.
Durant la période d'étude nous avons enregistré vingt-neuf (29) prescripteurs dans les 5 structures sanitaires de la commune de Matam dont 25 médecins et 4 infirmiers. L'âge moyen des prescripteurs était de 43,5±10. Parmi les 20 prescripteurs du secteur public, 85% connaissaient l'existence du protocole contre 44,4% du secteur privé. Le Tableau 1 présente les caractéristiques sociodémographiques, les connaissances et attitude des prescripteurs Dans les 6 établissements sanitaires 545 enfants avaient présenté un paludisme simple. La moyenne d'âge était de 5,62±5, le sex-ratio H/F (261/284) était de 0,92 L'AS/AQ a été l'ACT la plus prescrite avec 60,2%. La durée de traitement, la nature de CTA, la posologie sont consignées dans le Tableau 2.
Nous avons réalisé une étude transversale de type descriptif sur l'évaluation de l'usage du protocole national de prise en charge du paludisme simple dans la commune de Matam. Elle s'est déroulée du 01 Octobre au 31 Décembre 2013 et a permis de colliger 29 prescripteurs dont 4 infirmiers et 545 enfants traités pour paludisme. Cette étude n'est pas représentative de la Guinée, puis qu'elle a été faite dans une commune urbaine de la capitale. Cependant, c'est l'une des premières faites en Guinée. Elle nous donne des informations de base qui pourront être exploitées par les autorités du ministère de la santé et du programme national de lutte contre le paludisme. Sur un total de 29 prestataires, 86% étaient des médecins et avaient un âge compris entre 29-38 ans avec une expérience professionnelle de moins de 10 ans. Près du tiers (28%) des prestataires ne connaissaient pas l'existence du protocole et aucun prestataire ne s'en servait. La connaissance des CTA par les prescripteurs dans les centres publics était de 85% contre 44,4% centres privés. Ce résultat pourrait s'expliquer par l'existence des Médecins Sans Frontières (MSF) dans les services publics de santé et qui travaillent conformément aux recommandations de l'organisation mondiale de la santé (OMS). En 2004, Ahmed et al. [5] dans une étude similaire au soudan rapportent qu'un tiers des agents ne connaissaient pas les directives nationales pour le traitement du paludisme, à cause du manque de formation sur les directives nationales. Notre étude rapporte plus de 3/4 (88%) des médecins connaissaient la posologie recommandée versus zéro infirmier. Cette méconnaissance de certains prestataires pourrait s'expliquer par l'insuffisance ou l'absence de formation des agents de santé sur le nouveau protocole national. La connaissance de la durée du traitement du paludisme simple est effective chez tous les prestataires.
Dans cette étude, les structures publiques étaient beaucoup plus sollicitées par rapport aux structures privées pour des raisons de gratuité des soins et de disponibilité des médicaments. L'analyse de la prescription des médicaments dans les carnets des enfants montre que plus d'un tiers 39,8% (n=217) étaient soumis à un traitement non conforme aux recommandations du protocole national dont 1,8% (n=10) étaient sous d'autres combinaisons thérapeutiques. Ce résultat est, inférieur à celui trouvé par Sangaré et al. [6] au Mali Bamako qui avaient trouvé 57,61% des ordonnances contre le paludisme ne contenant pas de CTA, supérieur à celui de Soumaré [7] au Sénégal avec 23,95% de prescription d'antipaludiques en monothérapie. Le taux élevé de prescriptions non conformes dans le secteur privé pourrait s'expliquer par l'ignorance du protocole mais aussi par l'indisponibilité Artésunate/Amodiaquine dans les services de santé privés, contrairement aux autres centres publics. 38% (n=207) des enfants étaient sous une monothérapie (chloroquine, quinine, amodiaquine) contrairement aux nouvelles recommandations de l'OMS. Une étude similaire en milieu rural du Cameroun [8] montre que seulement 2,0% des professionnels de la santé avaient prescrit la combinaison Artésunate/Amodiaquine recommandé. Le traitement du paludisme par monothérapie augmente le risque d'apparition de la résistance aux antipaludiques note la plupart des auteurs [4, 6, 9].
La conformité des prescriptions antipaludiques selon le protocole national dans la commune de Matam était de 60,2%. Ce résultat est superposable à celui de Nzayiromboho. et al. [10] dans une étude réalisée au Rwanda qui avait trouvé un niveau d'application de 63,3%. Une enquête faite au Mali, a révélé que les CTA constituaient le traitement de première intention du paludisme chez 75% des prescripteurs et 78,8% des dispensateurs [6]. Dans notre étude, 18% des patients avaient bénéficié d'un traitement dont la durée était supérieure ou inférieure à 3 jours. Cette durée de traitement non conforme aux recommandations du protocole serait due à l'absence de formation des agents sur le protocole national et l'absence de qualification requise de certains prestataires. D'où l'intérêt d'insister sur la formation continue des prestataires à tous les niveaux de la pyramide sanitaire. L'observation directe des prescripteurs montre que 86% des prescriptions étaient des CTA en première intention conformément aux recommandations, contre 60,2 % rapportées par l'étude des carnets de santé des patients ; ce qui prouve que la supervision influence sur le taux de conformité des prescriptions. L'absence ou l'insuffisance de l'implication des prestataires dans l'élaboration du protocole pourrait expliquer la faiblesse de son applicabilité. Cet état de fait doit interpeller le Programme National de Lutte contre le Paludisme et le Ministère de la Santé et de l'Hygiène Publique pour d'avantage associer en amont les prestataires pour une large diffusion des directives nationales de prise en charge du paludisme.
Il ressort de notre étude une faible utilisation du nouveau protocole avec comme conséquence des prescriptions irrationnelles préjudiciables aux patients. Nous suggérons donc une large diffusion du nouveau protocole de prise en charge du paludisme simple, une formation continue sur les directives du Programme National de Lutte contre le Paludisme.
Etat des connaissances actuelle sur le sujet
- C'est la première cause de consultation (28%) et d'hospitalisation (34%);
- La Guinée a mis en place un plan stratégique 2013-2017 en élaborant des directives et un protocole de prise en charge du paludisme simple et grave;
- Les données concernant l'utilisation de ce protocole et sa perception par les prescripteurs du secteur public et privé sont peu disponibles.
Contribution de notre étude à la connaissance
- Première étude en Guinée, bases de données pouvant servir aux autorités du programme national, aux autorités ministérielles;
- Permettre d'impliquer les prestataires pour l'élaboration des protocoles;
- La diffusion des protocoles dans les structures communautaires.
les auteurs ne déclare aucun conflit d’'intérêts.
Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale de ce manuscrit.
Tableau 1: caractéristiques épidémiologiques des prescripteurs dans les six centres de la commune de Matam 01 Octobre - 31 Décembre 2013, Guinée (Conakry)
Tableau 2: évaluation de la prescription des antipaludiques dans les six centres de santé de la commune de Matam, 01 Octobre - 31 Décembre 2013 Guinée (Conakry)
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