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Néphrectomie partielle pour tumeurs rénales: technique et résultats à propos de 35 cas

Néphrectomie partielle pour tumeurs rénales: technique et résultats à propos de 35 cas

 

Essodina Padja1,&, Abdellatif Janane1, ArnaudTayiri1, Jaouad Chafiki1, Mohamed Ghadouane1, Ahmed Ameur1, Mohamed Abbar1

 

1Service d’Urologie de l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V Rabat, Université Mohammed V, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Essodina Padja, Service d’Urologie de l’Hôpital Militaire d’Instruction Mohammed V Rabat, Université Mohammed V, Faculté de Médecine et de Pharmacie de Rabat, Maroc

 

 

Résumé

Le dogme de la néphrectomie élargie a progressivement laissé la place à la néphrectomie partielle pour des tumeurs de moins de 4 cm et plus récemment pour des tumeurs pouvant aller jusqu'à 7 cm de diamètre grâce à l'amélioration des techniques chirurgicales. Rapporter notre expérience de la néphrectomie partielle dans le traitement des tumeurs rénales. Nous avons suivi prospectivement 35 patients ayant eu une néphrectomie partielle pour tumeurs rénales. Les caractéristiques des tumeurs, les indications, la technique chirurgicale, les résultats oncologiques et fonctionnels, les complications et le devenir des patients étaient évalués. L'âge moyen était de 57±12.7 ans. La taille moyenne des tumeurs était de 39.5±12mm. 42.85% des indications étaient de principe. Le temps opératoire moyen était de 185min avec un clampage moyen de 26±9min. Les résultats anatomopathologiques montraient: 80% de carcinomes à cellules rénales, stade pT1a (65.72%), pT1b(34.28%); marges chirurgicales positives (14,28%). Les complications étaient dominées par: l'insuffisance rénale (8.57%); pyélonéphrites aigues(5.71%), fistule urinaire(2.85%). Une perte sanguine moyenne de 450ml. Un cas d'hémorragie post op ayant nécessité une embolisation. Une survie globale de 100%, une survie sans récidive de 82.86% après 36 mois de suivi moyen. Sur les 6 cas de récidives, ont été réalisées: 2 totalisations, 1 néphrectomie partielle et 3 surveillances. Avec de bons résultats oncologiques et fonctionnels, cette étude encourage à privilégier la NP pour les tumeurs < 4 cm et l'envisager pour les tumeurs > 4 cm lorsqu'elle est techniquement faisable comme le recommandent les sociétés savantes.

 

 

Introduction

La néphrectomie totale élargie (NTE) comprenant l'exérèse de la loge rénale et de la surrénale a pendant longtemps été le traitement de référence des cancers du rein. Cependant, le développement de l'échographie abdominale depuis plus de 20 ans a transformé le mode de découverte des tumeurs du rein qui sont maintenant dans plus de 70 % des cas des tumeurs de découverte fortuite, asymptomatiques de petites tailles [1]. Ainsi, le dogme de la néphrectomie élargie a progressivement laissé la place à la néphrectomie partielle (NP) pour des tumeurs de moins de 4 cm et plus récemment pour des tumeurs pouvant aller jusqu’à 7 cm de diamètre [2] puisque les résultats carcinologiques sont comparables à ceux obtenus par la néphrectomie totale tout en préservant le capital néphronique [3]. Le but de notre travail était de rapporter notre expérience de la NP en décrivant la technique, en rapportant les résultats oncologiques et fonctionnels, en rapportant les complications, le devenir des patients avec une analyse comparative aux données de la littérature.

 

 

Méthodes

Ce travail est une étude prospective concernant 35 patients ayant eu une NP pour tumeur de rein entre janvier 2008 et février 2014. Les données démographiques et cliniques des patients ont été analysées, le diagnostic de la tumeur et le bilan d'extension étaient réalisés via une tomodensitométrie thoraco-abdomino-pelvienne (TDM TAP) ou une IRM, l'évaluation de la fonction rénale était faite par la clairance de la créatinine, la technique opératoire et le type de clampage étaient rapportés, une analyse détaillée des résultats anatomopathologiques était faite, et un suivi par la clinique, la radiologie (TDM TAP ou IRM) et la biologie (fonction rénale ) était requis afin de rapportés les complications, le devenir oncologique et fonctionnel de nos patients. Enfin une analyse comparative de nos données avec celles de la littérature était faite.

 

Technique opératoire

 

Toutes les interventions étaient réalisées sous anesthésie générale en position latérale avec un billot sous le flanc. L'abord était une lombotomie sur la 12ème ou la 11ème cote en fonction de la localisation de la tumeur. Un drainage interne par une sonde JJ était réalisé lorsque la tumeur était endophytique, proche du sinus, de grande taille ou en fonction de l'habitude du chirurgien. Une néphrolyse complète était réalisée avant le clampage afin de bien exposer la zone tumorale et de définir la zone de résection. L'ischémie était le plus souvent chaude par un clampage pédiculaire artériel sélectif ou par un clampage parenchymateux; parfois associée à une ischémie froide par de la glace pilée. La tumeur était réséquée au bistouri électrique. La fermeture de la voie excrétrice était réalisée par un surjet ou des points en X à base du PDS 3/0. L'hémostase était réalisée par l'application d'une colle biologique au niveau du lit de résection et des berges de section, associé à des points en U à base du vicryl 2/0 ou 0 sur le parenchyme rénal avec des pansements hémostatiques type SURGYCEL ou SPONGEL. Un drain de Redon non aspiratif était placé en regard de la zone de résection tumorale. En post opératoire, l'administration de la nicardipine en pousse seringue électrique était souvent nécessaire pour maintenir la tension artérielle en dessous de 140/90 mm Hg afin de limiter tout risque de saignement du moignon. La sonde double JJ était enlevée en ambulatoire3 à 6 semaines après l'intervention.

 

 

Résultats

Sur une durée de 06 ans, 35 NP pour tumeurs rénales étaient réalisées. 23 hommes et 12 femmes. L'âge moyen des patients était de 57±12.7 ans (39-73 ans). Le diagnostic de la tumeur était fortuit dans 71.42% des cas (n=25). Les manifestations cliniques chez d'autres patients étaient: lombalgies chroniques (n=6), hématurie(n=3), fièvre (n=1). Le diagnostic et le bilan d'extension étaient faits par une TDM TAP dans 77.14% (n=27) et une IRM était nécessaire dans le reste à cause d'une insuffisance rénale. Les données démographiques, cliniques et les caractéristiques des tumeurs sont détaillées dans le Tableau 1. Les indications de la néphrectomie partielle sont mentionnées dans le Tableau 2. L'abord chirurgical était une lombotomie chez tous nos patients.Une montée de sonde urétérale JJ était réalisée dans 74.42% (n=26). Le type d'ischémie, la durée d'ischémie, les pertes sanguines et la durée opératoire sont mentionnées dans le Tableau 3. 5,71% (n=2) de transfusion sanguine en per opératoire. Le séjour moyen de nos patients était de 5 jours (4-8 jours) en fonction de l'évolution et de la survenue ou non de complications précoces. Les résultats anatomopathologiques étaient comme suite (Tableau 4). Nous avons eu 20% de complications. Parmi elles un cas d'hémorragie avec un choc hémorragique à J1. Ce patient avait eu une transfusion sanguine et une embolisation en urgence avec une évolution favorable. 3 patients (8.57%) avaient une insuffisance rénale dont 2 une insuffisance rénale aigue avec un temps de clampage de 29 et 33min; un patient une insuffisance rénale chronique. Ce dernier avait un rein unique, une tumeur de 5.6 cm avec un temps de clampage de 35 min. un cas de fistule urinaire était diagnostiqué et ce patient avait une tumeur de 4.3 cm jugé exophitique et n'avait pas eu de drainage urinaire. Nous rapportons la totalité des complications dans leTableau 5. Sur un suivi moyen de 36 mois (14 -76 mois) nous rapportons une survie globale de 100%, une survie sans récidive de 82.86%, une récidive locale de 17.14% (n=6) survenue après un délai compris entre 15 et 38 mois. Parmi ces patients 4 avaient des marges chirurgicales positives, 2 avaient un carcinome papillaire de type II, 1 de type I, 2 carcinomes à cellules claires et 1 avait un carcinome chromophobe. Nous avons réalisé une totalisation chez 2 patients, une 2ème NP chez 1 patient et continuer la surveillance chez 3 patients. Aucune évolution métastatique n'est à déplorer dans notre série.

 

 

Discussion

La néphrectomie partielle est actuellement le standard de traitement des lésions rénales de petite taille du fait de ses excellents résultats carcinologiques à court et moyen terme et de la préservation néphronique qu'elle permet [4]. Dans les indications de nécessité, la tumeur n'est pas forcement de petite taille; elles sont absolues en cas de rein unique fonctionnel ou anatomique ou en cas de tumeurs bilatérales, relatives en cas d'insuffisance rénale débutante et en cas de maladie de Von Hippel Lindau [5]. Pour les indications électives (rein controlatéral et fonction rénale normaux), la NP peut être proposée pour des tumeurs de 4 à 7 cm sous réserve d'une faisabilité technique [6,7]. Dans notre série les indications électives concernaient 57,15% des patients et aucune tumeur ne dépassait 7cm. Quelle que soit la voie d'abord, la chirurgie conservatrice doit respecter les grands principes de la chirurgie oncologique et certains éléments spécifiques; la connaissance précise de la topographie de la lésion et ses rapports avec la voie excrétrice et le système vasculaire est fondamentale pour permettre un geste dans des conditions optimales et ne pas compromettre les résultats carcinologiques [8]. Actuellement la lombotomie reste la voie d'abord la plus habituelle pour la NP qu'elle soit élective ou de nécessité [6,9]. C'était la voie d'abord utilisée dans notre série. Plus rarement, pour des tumeurs antérieures, la voie d'abord peut être abdominale, sous-costale [8]. D'autre équipe ayant réalisé la NP par laparoscopie simple ou assistée au robot ont rapporté de bons résultats carcinologiques et fonctionnels. Dans la NP type, un clampage artériel isolé est requis facilitant la dissection et l'hémostase du parenchyme rénal sain qui est effectuée avec des fils résorbables de 3/0 ou de 4/0. Rarement, pour des exérèses plus complexes, un clampage total du pédicule artériel et veineux est nécessaire.L'énucléation tumorale, plus simple, peut être effectuée sans clampage pédiculaire. En cas de tumeur complexe nécessitant un temps de clampage allongé, un refroidissement in situ avec de la glace pilée est souvent nécessaire [8]. Dans notre expérience nous avions réalisé un clampage vasculaire dans 65.71% des cas, un clampage parenchymateux dans 14,29% et une ischémie froide associée dans 20%. Le drainage urinaire n'était pas systématique, il dépendait du rapport de la tumeur avec la voie excrétrice, des habitudes et du jugement du chirurgien. De nombreuses études rétrospectives ont comparé la chirurgie conservatrice à la néphrectomie totale et n'avaient pas mis en évidence de différence significative quant à la survie [10,11]. Lerner et al. ne mettaient pas en évidence de différence significative en termes de survie sans récidive et de survie spécifique à cinq et dix ans entre les 2 groupes. Nos résultats sur un suivi médian de 36 mois paraissent très bons avec une survie globale de 100% et une survie sans récidive de 82.86%.Concernant les résultats oncologiques à court terme, nous avons eu 14.29% de marges chirurgicales positives comparativement à Yossepowitch et al [12], sur 1390 NP par voie ouverte estimant ce taux à 5,8%, et des valeurs allant de 1,8 à 3,5% [13,14]en chirurgie laparoscopique. Ce taux élevé dans notre série peut s'expliquer par un nombre réduit de patients et la plupart des marges positives étaient enregistrées au début de notre expérience. La signification pronostique des marges chirurgicales positives n'est pas claire actuellement : les publications sur le sujet sont divisées quant à leur impact sur la survie spécifique [15-17]. Sutherland et al. ont rapporté leur expérience à propos de 44 NP avec trois cas (6,8 %) de marges chirurgicales positives et un seul cas avait une récidive à distance [15]. Krejci et al. sur une large cohorte rapportaient cinq cas (1,5%) de marges chirurgicales positives et aucun cas de récidive locale ou à distance et de décès n'était décrit [16]. Sur nos 5 cas de marges chirurgicales positives, 4 avaient une récidive locale à distance et aucun décès.La littérature rapporte des taux de récidive locale faible, même à long terme, comparables à ceux de la néphrectomie élargie (0 à 7,3%) [10, 18,19]; J-C. Dezael et al. rapportent un taux de récidive locale et de métastases à distance respectivement de 6,9% et 4,2% pour un suivi moyen de 33 mois. Nous avons eu un taux de récidive local de 17.14% relativement élevé par rapport à la littérature. Le taux de complications péri-opératoires globales, chirurgicales et médicales varie de 4 à 30% dans la littérature [20].Un nombre non négligeable de complications spécifiques à la chirurgie conservatrice ont été décrites. La fistule urinaire est la complication la plus fréquente rapportée avec des taux variant de 1,4 à 17,4 % dans les plus grandes séries [18,21].L'insuffisance rénale aiguë est la seconde complication la plus fréquente dans les suites des NP. Elle a été rapportée dans 0,7 à 15% des cas [22,23]. Les facteurs prédisposant comprennent la taille tumorale, la masse rénale réséquée, les lésions ischémiques rénales liées au clampage parenchymateux ou pédiculaire [24]. Nous avons eu globalement 20% de complications dominées par l'insuffisance rénale aigue et chronique suivi des complications infectieuses. La fistule urinaire ne concernait qu'un patient. Thompson et al. rapportaient un saignement moyen per-opératoire de 483 cc et Patard et al. sur 730 patients un saignement moyen de 386 cc (tumeurs < à 4 cm) et de 510,5 cc (tumeurs > à 4 cm) [25,26]. Quant aux complications hémorragiques postopératoires, elles ont été rapportées dans 1,4% à 7,9% des cas [26]. Le saignement moyen dans notre série était estimé à 450 cc mais sans distinction entre les tumeurs de plus ou de moins de 4 cm. Un cas (2.86%) de complication hémorragique avec un état de choc était enregistré.

 

 

Conclusion

Globalement, nos résultats oncologiques et fonctionnels certes issus d'une étude uni centrique avec une petite cohorte sont similaires à ceux de la littérature. Cet aspect de la NP donnant des résultats similaires à la NTE tout en préservant le capital néphronique doit encourage tout urologue à privilégier la NP pour des tumeurs < 4 cm et l'envisager pour des tumeurs > 4 cm lorsqu'elle est techniquement faisable comme le recommandent les sociétés savantes.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux

Tableau 1: données des patients et caractéristiques des tumeurs

Tableau 2: indications de la NP

Tableau 3: données opératoires

Tableau 4: résultats anatomopathologiques

Tableau 5: complications

 

 

Références

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