Prévention de la transmission mère-enfant de l’hépatite B
Mohamed Ould Mohamed El Agheb, Jean-Didier Grange
Corresponding author: Mohamed Ould Mohamed El Agheb, Service d’Hépato Gastro Entérologie Hopital Tenon, 4 Rue de la Chine, 75020 Paris
Received: 25 Jan 2015 - Accepted: 24 Feb 2015 - Published: 01 Apr 2015
Domain: Clinical medicine
Keywords: Hépatite virale B, grossesse, traitement antiviral, transmission mère-enfant
©Mohamed Ould Mohamed El Agheb et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Mohamed Ould Mohamed El Agheb et al. Prévention de la transmission mère-enfant de l’hépatite B. Pan African Medical Journal. 2015;20:316. [doi: 10.11604/pamj.2015.20.316.6193]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/20/316/full
Prévention de la transmission mère-enfant de l’hépatite B
Mohamed Ould Mohamed El Agheb1, Jean-Didier Grange1
1Service d’Hépato Gastro Entérologie Hopital Tenon, 4 Rue de la Chine, 75020 Paris
&Auteur correspondant
Mohamed Ould Mohamed El Agheb, Service d’Hépato Gastro Entérologie Hopital Tenon, 4 Rue de la Chine, 75020 Paris
La transmission mère-enfant du virus de l'hépatite B est la principale cause de portage chronique de l'AgHBs. La prévention de cette transmission repose principalement sur la sérovaccination du nouveau-né. En France, le dépistage prénatal de l'AgHBs est obligatoire au sixième mois de la grossesse chez toutes les femmes enceintes. Lorsque la recherche de l'AgHBs est positive chez la mère, le nouveau-né doit recevoir dès sa naissance, par voie intramusculaire et dans deux sites différents, une première injection de vaccin et une injection d'immunoglobulines anti-HBs puis un rappel vaccinal à M1 et à M6. L'efficacité de la sérovaccination est supérieure à 90 % [1] elle doit être contrôlée chez tous les enfants par un examen sérologique (AgHBs et anticorps anti-HBs) effectué à distance de la dernière injection vaccinale. Cependant le risque de transmission néonatal persiste car il est apparu que, même lorsque bien faite, cette sérovaccination laissait persister un risque de transmission de 5 à 10% [2]. Les études plus récentes ont montré que les facteurs prédictifs du risque de transmission étaient: la présence d'une charge virale élevée chez la mère, attestée soit indirectement par la présence ou non de l'AgHBe (transmission 9% vs 0,2%), soit directement par la présence d'un DNA > 2 x 105 UI. Ce risque de transmission atteint 28 à 50% pour une charge virale > 2 x 108UI [3]. La présence de l'AgHBs ou du DNA viral dans le sang du cordon, témoignant d'un passage probable du virus in utero. La présence d'une durée de travail élevée, suggérant son rôle dans le passage trans placentaire du virus au moment de l'accouchement. Un traitement par analogue nucléotidique ou nucléosidique (lamivudine ou ténofovir) réduirait le risque de transmission mère enfant chez ces femmes à forte charge virale.
Patients: le service de gastro-entérologie de l'hôpital Tenon suit en consultation, en collaboration avec le service de gynéco-obstétrique une cohorte de 23 patientes en âge de procréations porteuses d'une hépatite B chronique. L'hépatite chronique B était diagnostiquée pour chaque patiente enceinte sur les données virologiques, positivité de l'AgHBs et de la charge virale de l'hépatite B.
Méthodes : pendant la grossesse et notamment au troisième trimestre les femmes avaient une évaluation de l'infection virale B et de la fonction hépatique comprenant: un dosage de la charge virale B, un dosage des paramètres biologiques hépatiques (ASAT, ALAT, PAL, GGT, TP). Le traitement antiviral B débuté dans la majorité des cas au début du 3ème trimestre. Il consistait dans la quasi-totalité des cas à la prescription d'un analogue nucléotidique, soit le ténofovir (245 mg/jour) soit la lamivudine (100 mg/jour). Le traitement était poursuivi jusqu'au premier ou deuxième mois du post partum.Les patientes ont été surveillées tous les 3 mois durant le traitement. A chaque visite étaient évalués : l'observance du traitement, les effets secondaires cliniques, la numération formule sanguine, le bilan hépatique et la charge virale. La réponse virale était définie comme la baisse de la charge virale de l'hépatite B de plus de 2 logs. Statistiques: les résultats sont exprimés en sommes et médianes pour les données qualitatives. Les statistiques ont été réalisées à l'aide du logiciel Epi-info (CDC Atlanta).
Le nombre total des patientes enceintes avec AgHBs positif inclues dans cette étude est de 23 patientes. Dix-sept patientes d'origine asiatique (73,91%), (Figure 1). L'âge moyen: 27 ans, (extrêmes : 19 - 37 ans). Une grossesse antérieure était retrouvée chez la majorité des patientes (79%), 2 patientes avaient un antécédent de fausse couche, tandis que 2 autres avaient eu un antécédent de mort-né. Le mode de transmission était inconnu dans les 2/3 des cas; une hépatite B chronique était présente chez les parents de 5 de nos patientes, une patiente avait un antécédent de toxicomanie iv. L'hépatite chronique B était connue avant le début de la grossesse chez 16 patientes. Un seul cas de prématurité moyenne (selon l'OMS) a été retrouvé (36 SA). Durant la période d'étude il y avait 37 naissances dont 6 enfants après une césarienne, en revanche 31 enfants étaient nés par voie basse (16,2%). (Le taux de césarienne en France est de 20,2%). Le traitement antiviral a été prescrit avant le début de la grossesse dans 8 cas, poursuivit pendant toute la grossesse et interrompit à 1 ou 2 mois postpartum, Le taux de transmission du VHB était nul dans cette dernière catégorie de patiente. Dans 60% des cas le traitement antiviral prescrit était le ténofovir, (Figure 2). Ce traitement antiviral a été débuté au 3ème trimestre dans 22 cas (60%), (Tableau 1). Toutes ces patientes traitées à partir du 3ème trimestre avaient une charge virale supérieure ou égale à 7 logs, (Figure 3). Trente-six enfants ont bénéficié d'une sérovaccination à la naissance (soit 97%); dont 34 ont reçu un premier rappel vaccinal un mois après leurs naissance (soit 92%). Le schéma vaccinal complet incluant un deuxième rappel vaccinal à l'âge de 6 mois était respecté chez 32 enfants (86%). Le contrôle de la transmission (AgHBs) et de l'efficacité de la vaccination (AC anti-HBs > 10 UI/ml) était effectué chez 27 (73%) enfants dont 26 (96%) avaient une immunité satisfaisante, (Figure 4).
La présence d'une infection par le virus de l'hépatite B (VHB) chez une femme
enceinte comporte un risque important de transmission à son enfant, et les
enfants contaminés en période néo-natale deviennent porteurs chroniques dans
90 % des cas. En l'absence de mesure préventive, le risque de transmission
verticale était de 20 % si la mère est AgHBe négatif, et 80% si l'AgHBe est
positif.
Le dépistage de l'hépatite B est obligatoire chez toutes les femmes enceintes
au 6ème mois de grossesse et une sérovaccination doit être effectuée chez tous
les nouveaux nés issus de mère AgHBs positif. Cependant le risque de transmission
néonatal persiste car il est apparu que, même lorsque bien faite, cette sérovaccination
laissait persister un risque de transmission de 5 à 10 % [2].
Les études plus récentes ont montré que les facteurs prédictifs du risque de
transmission étaient:
la présence d'une charge virale élevée chez la mère, attestée soit indirectement
par la présence ou non de l'AgHBe (transmission 9% vs 0,2%), soit directement
par la présence d'un DNA > 2 x 105 UI.
Ce risque de transmission atteint 28 à 50% pour une charge virale > 2 x 108UI
[3].
La présence de l'AgHBs ou du DNA viral dans le sang du cordon, témoignant d'un
passage probable du virus in utero.
La présence d'une durée de travail élevée, suggérant son rôle dans le passage
trans placentaire du virus au moment de l'accouchement.
Un traitement par analogue nucléotidique ou nucléosidique réduirait le risque
de transmission mère enfant chez ces femmes à forte charge virale.
La répartition des charges virales au cours du troisième trimestre de la grossesse
dans notre série est comparable à celle d'autres séries de la littérature [4].
Elle dépend principalement de l'origine géographique des femmes.
Dans notre cohorte la charge virale B en fin de grossesse et début du traitement
(disponible dans 84% des cas) était < à 5 logs, entre 5-7 logs et > à 7 logs
respectivement chez 6 (16%), 1 (3%) et 24 (65%) POL S et al [4],
avaient retrouvés respectivement 40,4%, 21% et 65% dans une cohorte de 100
cas [4].
Dans notre série, le schéma sérovaccinal était complet chez 86% des nouveaux
nés. Ce taux est supérieur à celui observé dans la plupart des études nationales
et européennes malgré des référentiels bien établis. On note, cependant, un taux
de 90% rapporté dans une étude australienne récente ayant inclus 398 patientes
[5].
Notre étude confirme les données de la littérature sur l'efficacité des analogues
nucléo (ti)sidiques (ténofovir ou lamivudine) car plus de 90% des enfants contrôlés à l'âge
de 7 à 12 mois (contrôle disponible dans 73% des cas) avaient un AgHBs négatif
et une bonne réponse vaccinale avec un taux d'anticorps anti-HBs >10 UI/ml (100
% dans une cohorte chinoise de 256 cas) [6, 7].
Dans un cas, on note que la sérovaccination associée à un traitement par le ténofovir
a été efficace (absence de transmission du VHB) alors que l'enfant issu de sa
première grossesse était infecté par le VHB malgré la réalisation d'une sérovaccination
complète chez l'enfant, par contre sa mère n'était pas traité pendant cette grossesse.
Aucun effet indésirable lié au traitement antiviral n'a été observé pendant cette étude
[6-11]. De même, il n'y a pas eu de malformation congénitale.
Au terme de cette étude, il apparait important que des recommandations soient
rappelées (voir éditées au sein d'un manuscrit remis aux patientes infectées
par le VHB).
Recommandations:
dépistage de l'AgHBs obligatoirement chez les femmes enceintes au 6ème
mois de la grossesse et si positif faire le dosage de la charge virale B. Informer
la mère concernant sa positivité de l'AgHBs et transmettre le
résultat au gynécologue, sage-femme, au pédiatre et proposer une consultation
spécialisée en hépatologie. Dépistage en urgence en salle d'accouchement
(AgHBs et charge virale si positive ou hépatite déjà connu) s'il n'a pas été fait
avant ou que le résultat n'est pas disponible. Dépistage du virus de l'hépatite B dans la fratrie et proposition de
vaccination des personnes séronégatives pour le VHB. Informer les parents sur
la nécessité de réaliser une sérovaccination
complète chez l'enfant.
Le traitement par la lamivudine ou le ténofovir des femmes porteuses d'une hépatite B chronique avec une charge virale B élevée au 3 ème trimestre associé à la sérovaccination du nouveau-né dès la naissance permet une prévention efficace de la transmission verticale du VHB. Ces résultats doivent être évalués au sein d'une série plus importante permettant à la fois de confirmer l'efficacité de la sérovaccination associée au traitement antiviral sur la transmission du VHB, d'évaluer la réponse vaccinale chez l'enfant et d'effectuer un suivi médical des nouveaux nés.
Les auteurs ne déclarent aucun conflits d'intérêts.
Mohamed ould Mohamed El Agheb: réalisation et rédaction de l'article. Jean-didier Grange: encadrement et correction. Tous les autuers ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
Tableau 1: données épidémiologiques de notre cohorte
Figure 1: origines géographiques des patientes
Figure 2: nature du traitement antiviral
Figure 3: charge virale au début du traitement (UI/ml)
Figure 4: enfants AC anti-HBs positif et AgHBs négatifs
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