Ponction veineuse radiale superficielle et neuropathie
Omar Ouzzad, Amine Raggabi, Abdellah Taous
Corresponding author: Omar Ouzzad, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc
Received: 14 Aug 2014 - Accepted: 27 Sep 2014 - Published: 28 Oct 2014
Domain: Clinical medicine
Keywords: Neuropathie, veine radiale superficielle, nerf radial, ponction veineuse, lésion nerveuse
©Omar Ouzzad et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Omar Ouzzad et al. Ponction veineuse radiale superficielle et neuropathie. Pan African Medical Journal. 2014;19:214. [doi: 10.11604/pamj.2014.19.214.5229]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/19/214/full
Ponction veineuse radiale superficielle et neuropathie
Omar Ouzzad1,&, Amine Raggabi2, Abdellah Taous2
1Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc, 2Service de Neurologie, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc
&Auteur correspondant
Omar Ouzzad, Service d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Militaire Moulay Ismail, Meknès, Maroc
La veine radiale superficielle est couramment ponctionnée pour pose de voie veineuse périphérique. Cette veine, au bord latéral du tiers inférieur de l'avant-bras et du poignet, chemine à proximité de la branche sensitive du nerf radial. Sa ponction à ce niveau peut être à l'origine d'une neuropathie post-traumatique de ce nerf. Nous rapportons un cas de neuropathie radiale gauche après une telle ponction. Cette complication n'est pas à négliger en raison de l'handicap potentiel et la douleur prolongée qu'elle entraine. Son traitement le plus efficace reste préventif : éviter les ponctions veineuses au niveau de cette zone.
La veine radiale superficielle ou veine céphalique est couramment utilisée pour la pose de voie veineuse périphérique. Ce geste routinier peut être à l'origine de complication nerveuse rare mais grave: la neuropathie post-traumatique de la branche superficielle du nerf radial. Nous rapportons un cas de neuropathie périphérique dans le territoire radial après ponction de cette veine.
Un patient âgé de 43 ans, cordonnier, admis au bloc opératoire pour une appendicectomie. Il n'a pas d'antécédent médical ou chirurgical particulier. L'examen clinique était sans particularité, il n'y'a pas de signes prédictifs d'intubation difficile, le capital veineux était bon et le patient était classé ASA I.
A l'arrivée au bloc opératoire, et après monitorage habituel, il a bénéficié de la pose d'un cathéter veineux périphérique 18 gauge. La ponction veineuse a été réalisée sur la veine radiale superficielle gauche au tiers inférieur de l'avant-bras. Le patient a signalé aussitôt une douleur fulgurante à type de décharge électrique au niveau du point de ponction, avec irradiation vers la styloïde radiale et la face dorsale des deux premiers doigts. Cette douleur intense, selon le patient, a partiellement régressé par la suite. Étant fonctionnelle, la voie veineuse a été malgré tout utilisée pour l'induction de l'anesthésie générale par propofol, fentanyl et bromure de rocuronium, ainsi que deux g d'association amoxicilline+ acide clavulanique. Cette voie veineuse a été changée immédiatement après l'induction anesthésique, avec mise en place d'une nouvelle voie veineuse sur la main droite. L'entretien de l'anesthésie a été assuré par fentanyl en injections discontinues, et par isoflurane. En per opératoire, il n'y'a pas eu de problèmes hémodynamiques ou ventilatoires. L'analgésie postopératoire a été débutée juste après la fermeture du plan profond, avec du paracétamol et néfopam. L'intervention a duré une heure et demi.
Le patient a été extubé au bloc opératoire, ensuite transféré en salle de surveillance post-interventionnelle. Le patient se plaignait alors des mêmes douleurs qu'en préopératoire au niveau du point de ponction de la première voie veineuse, avec irradiation au bord latéral radial du poignet. En postopératoire, le patient continuait de se plaindre de dysesthésies persistantes, de type neurogène avec un fond douloureux persistant à type de' brûlure ', plus des accès de douleur à type de décharges électriques. Cette dysesthésie était localisée à la face dorsale des trois premiers doigts de la main gauche.
Le patient est sorti après 48 heures avec un traitement par paracétamol (4g/j) et tramadol (300mg/j) per os. Il est revu à j4, il se plaignait toujours de dysesthésie persistantes, avec des douleurs à type de décharges électriques spontanées et provoquées par les mouvements (flexion dorsale du poignet et pronation le plus souvent), ces douleurs sont accompagnées d'une impotence fonctionnelle partielle lors des mouvements d'utilisation de la pince, ce qui l'empêchait d'exercer son métier. A l'interrogatoire, les dysesthésies ont été jugées tolérables avec une échelle visuelle analogique (EVA) entre 20 et 30, mais par contre les accès douloureux sont intenses avec une EVA à 70. L'examen clinique n'a pas retrouvé de signes cutanés objectifs, le point de ponction était presque invisible, il n'y'avait pas de troubles vasomoteurs, l'examen neurologique a objectivé une allodynie avec douleur au toucher, et une hypoesthésie superficielle au niveau du territoire terminal avec un signe de Tinel positif, mais sans déficit moteur. Le diagnostic d'une atteinte post-traumatique de la branche radiale sensitive a été suspecté, ce qui a motivé la mesure des vitesses de conduction sensitive, six jours après l'accident, qui a objectivé un ralentissement à gauche par rapport au côté droit, respectivement de 35,3 et 52,1 m/s. Un traitement par prégabaline (150mg/j, augmentée à 300mg/j après 7jours) per os a été ajouté au paracétamol et au tramadol. Revu trois semaines plus tard, le patient décrivait une nette amélioration, il rapportait une gêne et non une douleur, mais les mouvements de pronation déclenchaient parfois des douleurs à type de décharges électriques, ce qui le gênait dans sa profession. Il n'était plus gêné par le port de manches longues, et le toucher n'était plus douloureux. Dix semaines après la ponction, la symptomatologie a complètement disparu.
La ponction d'une veine périphérique est un geste routinier et habituel. Il est pratiqué pour prélèvement sanguin (don de sang ou analyse biologique) ou pour des fins thérapeutiques. Il ne présente habituellement aucun problème, à l'exception de difficultés techniques chez les patients avec un mauvais capital veineux, ou lorsque les veines sont difficiles à percevoir en raison d'une obésité par exemple. Cette observation clinique vient nous rappeler que ce geste routinier peut être à l'origine d'une complication classique, mais trop peu connue ou négligée : la neuropathie post-traumatique lors de la ponction veineuse périphérique. Une enquête locale a découvert que seulement 2 infirmiers anesthésistes sur 33 (soit 6,06%) connaissaient cette complication, et que la veine radiale superficielle était le site de ponction veineuse privilégié pour 28 infirmiers sur 33 (soit 84,84%).
La veine radiale superficielle ou céphalique de l'avant-bras commence sur la face dorsale de la main, au niveau du poignet, puis monte en contournant le bord externe du radius et, se plaçant sur la face antérieure de l'avant-bras, en avant du long supinateur, et se termine au milieu du pli du coude. C'est une des veines les plus connues du réseau du membre supérieur, souvent appelée «veine de l'anesthésiste». Sa facilité de ponction, son trajet rectiligne qui la rend facile à cathétériser, et sa localisation reproductible même chez les patients « difficiles à piquer » où l'accès veineux est difficile à repérer sont des avantages non négligeables dans la prise en charge anesthésique du patient. De plus, elle est généralement bien tolérée et ne limite pas la mobilité du bras. C'est pourquoi elle est largement utilisée par les praticiens. Au niveau du tiers inférieur de l'avant-bras et du poignet, le rameau superficiel du nerf radial chemine à proximité immédiate de la veine radiale superficielle [1]. Cette branche nerveuse peut donc être lésée par le biseau de l'aiguille lors de la ponction veineuse à ce niveau. Plusieurs cas de neuropathie post-traumatique de la branche sensitive du nerf radial ont été décrits dans la littérature, alors même que la ponction veineuse avait été facile [2,3]. L'atteinte nerveuse est, soit liée à un traumatisme direct à la suite d'une ponction veineuse directe [4], d'une intervention chirurgicale telle qu'un embrochage pour fracture du poignet [5], soit par compression consécutive à un hématome dû aux anticoagulants [6], ou à l'extravasation du soluté de perfusion. Divers mécanismes, parfois associés, peuvent être à l'origine d'une neuropathie à la suite d'une atteinte directe d'une racine nerveuse ou d'un nerf par le biseau de l'aiguille. Lors d'un bloc du plexus brachial par voie axillaire, le biseau de l'aiguille est susceptible de léser directement les fibres nerveuses, la périnerve, les vaisseaux intra ou extranerveux et de conduire au développement d'un hématome intra ou extranerveux susceptible de comprimer les nerfs [7]. Enfin une inflammation à proximité d'une veinite peut contribuer à irriter le nerf.
La douleur initiale chez ce patient correspondait au traumatisme de la branche sensitive du nerf radial. Les douleurs constatées par la suite étaient de nature neurogène, intéressant le trajet de ce nerf. Les résultats des mesures de vitesse de conduction signent un bloc de conduction au niveau de la branche sensitive lésée. D'autres sites de ponction veineuse peuvent être à l'origine des mêmes complications. Ce risque est mieux connu sur les accès veineux centraux, comme l'atteinte du plexus brachial lors de la pose d'une voie veineuse sous-clavière [8], ou l'atteinte du nerf phrénique lors de la pose d'une voie veineuse jugulaire interne [9]. Mais d'autres sites de ponction veineuse périphérique peuvent entrainer des neuropathies post traumatiques, telle la ponction de la veine saphène chez l'enfant avec atteinte du nerf saphène, ou l'atteinte du nerf cutané médial du bras lors de la ponction de la veine cubitale médiane, car ces deux éléments se croisent chez 50% de la population [10]. Le pronostic de ces neuropathies est habituellement bon, avec régression des douleurs neurogènes en deux à trois mois. Mais il y'a un risque de passage en syndrome douloureux chronique.
La veine radiale superficielle est la voie d'abord la plus utilisée en anesthésie. Au tiers inférieur de l'avant-bras, la branche sensitive superficielle du nerf radial chemine à proximité immédiate de cette veine. La ponction veineuse à ce niveau peut donc être à l'origine d'une lésion de ce nerf, source de douleurs neurogènes prolongées. Cette complication nerveuse n'est pas à négliger en raison de l'handicap potentiel et l'intensité de la douleur qu'elle engendre. Il parait logique de rappeler que la prévention constitue l'élément essentiel du traitement. Il s'agit d'une connaissance des voies d'abord veineux et des trajets nerveux de voisinage. La veine radiale superficielle ne devrait être ponctionnée qu'en dernier recours.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
Tous les auteurs ont participé à la réalisation de l'étude, ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
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