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Cure du quintus varus supradductus à la manière de Lapidus à propos d’une série de 6 cas

Cure du quintus varus supradductus à la manière de Lapidus à propos d’une série de 6 cas

 

Omar Agoumi1,&, Abdelkri, Daoudi2

 

1Service de chirurgie orthopédique et traumatologique hopital mohamed V Al hoceima, Maroc, 2Service de chirurgie orthopédique et traumatologique centre hospitalier universitaire Ouajda, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Omar Agoumi, Service de chirurgie orthopédique et traumatologique hopital mohamed V Al hoceima (Maroc)

 

 

Résumé

Le quintus varus supraductus est une malformation, le plus souvent congénitale, qui associe une hyperextension, un varus et une rotation externe du cinquième orteil venant chevaucher sur le quatrième. Lorsqu'il entraîne une gêne esthétique et/ou surtout douloureuse, il justifie une cure chirurgicale correctrice. Six pieds chez 3 patients avec un âge moyen de 19 ans ont été opérés et revus avec un recul moyen de 11mois. Le but de notre étude est d'exposer les résultats d'une technique chirurgicale associant une plastie par un lambeau local, la ténotomie de l'extenseur du 5eme orteil suturé sur l'abducteur de cet orteil après l'avoir passé sous la 1ere phalange à la manière de Lapidus, arthrolyse de l'articulation métatarso-phalangienne et ostéotomie du 5eme métatarsien permettant de corriger cette malformation. Les résultats sont qualifiés de très bons.

 

 

Introduction

Le quintus varus supradductus est une malformation souvent congénitale et généralement bilatérale du 5eme orteil. C'est une déformation gênante psychologiquement chez les jeunes et peut devenir douloureuse à l'âge adulte du fait du conflit latéral et dorsal de l'orteil avec la chaussure. La déformation est secondaire à une rétraction primitive du tendon extenseur du 5eme orteil et progresse le plus souvent avec la croissance. Il s'agit d'une adduction du 5eme orteil sur le 4eme orteil, une contracture en dorsiflexion de la 5e métatarsophalangienne et une rotation interne du 5eme orteil [1]. L'hyperextension aboutit à une subluxation dorsale de la 5eme articulation métatarsophalangienne, le tendon extenseur prend la corde de l'arc de la 5eme métatarsophalangienne et la rétraction capsulaire s'ajoute à la rétraction du ligament médial de la 5eme articulation métatarsophalangienne. L'orteil se présente avec une pulpe regardant en dedans et un ongle aplati, parfois rudiforme.

 

 

Méthodes

Série: Nous rapportons une étude prospective de 3 patients (2 hommes et 1 femme) présentant tous un quintus varus supradductus (Figure 1) bilatéral et congénital sans autres malformation associées traités chirurgicalement par la technique de Lapidus, c'est une étude étalée sur vingt trois mois avec un recul moyen de 11 mois (3-23), l'age moyen de nos patient était de 19 ans (14, 18,23), le motif de consultation était la douleur lors du chaussage chez les deux hommes et la gêne esthétique chez la femme. Le bilan radiologique comprenant une radiographie de l'avant pied en charge de face et de ¾ a montré que les interlignes articulaires étaient normaux dans 4 cas et qu'il existait une subluxation métatarso-phalangienne dorsale dans deux pieds (Tableau 1). Le délai d'intervention entre les cotés droit et gauche était de 14 semaines en moyenne (10, 13,18).

Technique Chirurgicale: Les 6 interventions se sont déroulées pratiquement de la même façon, rachianesthésie, décubitus dorsal avec billot sous la fesse du coté à opérer pour neutraliser la rotation externe du membre inférieur, garrot au tiers inférieur de la cuisse. L'intervention débute par le dessin d'un lambeau cutané quadrangulaire latéral à base proximale [2] dessiné au niveau de la base du 5eme orteil, il fait environ 20 mm de long sur 10 mm de large (Figure 2), l'incision à la base du 5e orteil est en V, elle est prolongée en dehors au niveau du bord latéral de l'articulation métatarsophalangienne, une fois le lambeau cutané soulevé, on mettant le 5eme orteil en abduction et flexion plantaire maximale, on repère son tendon extenseur qui sera sectionné en percutanée à un niveau le plus proximal possible par une deuxième incision. Le tendon extenseur est récupéré en distal et en sous-cutané par la première voie et disséqué jusqu'à son insertion phalangienne. On procède par la suite à une libération complète de l'articulation métatarsophalangienne sur ses versants dorsal et médial au bistouri froid.

Le temps suivant consiste à faire la correction du regard interne de la surface articulaire du 5eme métatarse par une ostéotomie métatarsienne permettant la dérotation latérale de la surface articulaire, la surface articulaire est réduite et la tête métatarsienne est fixée par une vis ou par une broche, on fait passer le tendon extenseur libéré sous la 1ere phalange de dedans en dehors, puis on le suture au tendon du muscle abducteur du 5eme orteil sous une légère traction, l'orteil prend alors une position de flexion plantaire avec une légère abduction qu'on maintien par un point entre l'orteil et la plante garde pour 3 semaines. Le lambeau cutané est transféré de dehors en dedans et suturé à la peau de la base du 5e orteil pour couvrir l'articulation (Figure 3). La partie latérale de l'incision est fermée par des points séparés sur un drain aspiratif et le reste de la perte de substance cutanée au niveau du site donneur est laissé à la cicatrisation dirigée (Figure 4). La durée moyenne de l'intervention était de 65 minutes.

En post opératoire, l´appui est complet dans une chaussure de marche qui sera gardée pendant 1 mois, la prévention des accidents thrombo-emboliques est systématique pendant un mois, le drain est retiré au deuxième jour, l'ablation des fils se fait vers le douzième jour, le matériel d'ostéosynthèse a été retiré uniquement deux fois (broches).

Complications: Nous avons noté deux cas de souffrance du lambeau cutané avec nécrose partielle sans influence sur le résultat final, un cas de paresthésie avec diminution de la sensibilité sur le versant latéral du 5eme orteil qui a récupéré de façon incomplète, un retard de consolidation (4 mois) de l'ostéotomie et un cas d'algoneurodystrophie.

 

 

Résultats

Nous avons évalués les résultats on faisant appel à deux critères : l'esthétique et la douleur [3]. Le résultat était 5 fois très satisfaisant (1er et 2eme patients), moyen 1 fois (3 eme patient) par persistance des douleurs lors du chaussage serré.

 

 

Discussion

La majorité des quintus varus supradductus sont d´origine congénitale, le diagnostic est purement clinique à la naissance ou au début de la marche. Une radiographie de l'avant pied de face et de profil en charge ne peut être demandée que pour quantifier l'importance de la déformation du 5e orteil par rapport au 4e et évaluer l'état de l'articulation métatarsophalangienne. L'association avec une autre pathologie en particulier neurologique est possible mais ne peut en toute certitude être incriminée dans la genèse de la déformation [3]. La correction spontanée est possible avec l´acquisition de la marche selon Tawil [3] (3 cas dans sa série) sans toute fois prédire les critères qui permettent de reconnaître ces cas. Cliniquement Cette déformation provoque une gêne à la marche et surtout lors du chaussage avec une hyperkératose ou une bursite au niveau des zones de frottement et des ulcérations par conflit avec le 4eme orteil (oeil de perdrix) provoquant des douleurs très importantes et poussent les patients à consulter. Le traitement du quintus varus supradductus peut faire appel en premier aux moyens physiques [4, 5]: mobilisation de l´orteil en valgus pour lutter contre la rétraction cutanée, capsulaire et tendineuse, un maintien de la correction obtenue par un bandage élastique adhésif entourant le 5e orteil et fixé à la plante du pied; thèse d´orteil pour corriger la déviation (orthoplastie), cette orthèse est maintenue plusieurs mois, assurant également un rôle protecteur de la zone atteinte; soins de pédicurie pour lutter contre les cors et les yeux de perdrix. Un repositionnement chirurgical est souvent nécessaire pour calmer la douleur, corriger la déformation et éviter la récidive. Plusieurs techniques ont été publiées avec des résultats généralement satisfaisants :

La technique de Butler [6], comporte une plastie cutanée d´allongement dorsal en V-Y et une plastie de raccourcissement en Y-V plantaire associée à une capsulotomie dorsale et un allongement de l´extenseur du 5e avec cependant un risque vasculaire (deux incisions). La technique de Wilson [7] en V-Y comporte une incision en V à la base de la première phalange, une capsulotomie totale et une ténotomie de l´extenseur. La suture cutanée en Y assure le maintien de la correction avec cependant un risque de rétraction cutanée cicatricielle Lelièvre [8] propose chez l´adulte une résection de la tête de la première phalange, une capsulotomie dorsale et interne de l´articulation métatarso-phalangienne et une ténotomie de l´extenseur, une résection plantaire en raquette dans le pli de flexion plantaire métatarso-phalangien assure le maintien de la correction, l'esthétique n'est pas toujours correcte. Lang [9] utilise un lambeau cutané de transposition assurant un raccourcissement cutané externe et un allongement de la bride cutanée interne, associé à une capsulotomie. La syndactylisation des 4eme et 5eme orteils préconisée par Mac Farland [10] donne un bon résultat fonctionnel au dépens d'un préjudice esthétique. La technique rapportée par Tawil [3] consiste en une plastie en Z sur la bride interne selon la technique d´Alvarez [5], ténotomie de l´extenseur du 5eme orteil transposé sur la base externe de la première phalange, capsulotomie interne et dorsale de la métatarsophalangienne avec ou sans résection cutanée plantaire en ellipse dans le pli de flexion plantaire.

La technique à la manière de Lapidus parait la plus complète et la plus sure: 1) par le lambeau cutané quadranculaire, elle assure une meilleure couverture de l'articulation metatarsophalangienne et évite le risque de rétraction cutanée; 2) par l'ostéotomie, elle corrige la rotation interne de façon efficace et solide; 3) par la ténotomie du tendon extenseur et sa fixation sur l'abducteur du 5eme orteil, elle maintient la correction et évite la récidive. Elle offre une correction complète et spontanée de la déformation en fin d´intervention, condition d´un résultat stable a long terme.

 

 

Conclusion

Le quintus varus supraductus ne peut être bien corrigé que par une technique chirurgicale jouant sur l'os et les parties molles. L'indication de cette chirurgie plastique reste essentiellement la douleur et a un degré moindre le préjudice esthétique. La technique de Lapidus avec l'osteotomie du 5eme métatarse vient palier aux insuffisance de correction obtenue uniquement par des gestes sur les parties molles ( plastie cutanée, capsulotomie de l´articulation métatarso phalangienne, allongement ou tenotomie et transfert externe de l´extenseur, incision en raquette plantaire dans le pli de flexion métatarsophalangien). Une correction spontanée en fin d'intervention est garant d'un très bon résultat.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de cette étude et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Tableaux et figures

Tableau 1: données cliniques et radiologiques de nos patients

Figure 1: quintus varus supradductus

Figure 2: Dessin du lambeau cutané

Figure 3: Aspect au 3eme jour, lambeau transféré en dedans et le reste de perte de substance est laissé à la cicatrisation dirigée

Figure 4: Aspect d’un patient à 2 mois de l’intervention

 

 

Références

 

 

  1. Lapidus PW. Transplantation of extenseur tendon for the correction of the overlapping 5th toe. J Bone Joint Surg. 1942 ; 24(A) : 555-60. PubMed | Google Scholar

  2. Lang G, Trenzs T. Traitement chirurgical du quintus varus. 1985. Paris. Elsevier Masson.

  3. HJ Tawil, D Pilliard, G Taussig. Le quintus varus supraductus Résultats du traitement chirurgical par plastie cutanée, capsulotomie interne et transfert externe de l'extenseur du 5e orteil. Revue de chirurgie orthopédique. 1992 ; 78(2) :107-111. PubMed | Google Scholar

  4. Barrault JJ. Digitus quintus varus. 1971. Montpellier. Thèse médecine.

  5. Bonnel F, Claustre J. Pathologie du 5e rayon ;Le pied. 1989. Masson, Paris. Pathologie et techniques chirurgicales. PubMed | Google Scholar

  6. Cockin J. Butler's operation for an overriding fifth toe. J Bone Joint Surg (Br). 1968 ; 50(1):78-81. PubMed | Google Scholar

  7. Wilson Jn. V-Y correction for varus deformity of the fifthtoe. Br J Surg. 1953 ; 41(166): 133-135. PubMed | Google Scholar

  8. Lelievre J. Quintus varus congénital. 1981. Masson, Paris. Pathologie du pied.

  9. Lang G, Trenzs T. Le traitement chirurgical du quintus varus. 1985. Masson, Paris. Pathologie des orteils.

  10. Mcfarland B. Congenital deformities of spine and limbs: Modern Trends in Orthopedics. 1950.In Butterwork, London. Platth Ed.