AVC révélateur tardif d’un syndrome drépanocytaire majeur chez trois enfants congolais
Augustin Mulangu Mutombo, Mick Ya Pongombo Shongo, Gray A Wakamb Kanteng, Adonis Muganza Nyenga, Maguy Sangaji Kabuya, Toni Kasole Lubala, Oscar Numbi Luboya
Corresponding author: Gray A Wakamb Kanteng, Université de Lubumbashi, Faculté de Médecine, Département de Pédiatrie, RDC
Received: 16 Aug 2013 - Accepted: 13 Oct 2013 - Published: 03 Nov 2013
Domain: Clinical medicine
Keywords: Accident vasculaire cérébral, drépanocytose, enfant
©Augustin Mulangu Mutombo et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Augustin Mulangu Mutombo et al. AVC révélateur tardif d’un syndrome drépanocytaire majeur chez trois enfants congolais. Pan African Medical Journal. 2013;16:74. [doi: 10.11604/pamj.2013.16.74.3236]
Available online at: https://www.panafrican-med-journal.com//content/article/16/74/full
Original article
AVC révélateur tardif d’un syndrome drépanocytaire majeur chez trois enfants congolais
AVC révélateur tardif d’un syndrome drépanocytaire majeur chez trois enfants congolais
Augustin Mulangu Mutombo1, Mick Ya Pongombo Shongo1, Gray A Wakamb Kanteng1,&, Adonis Muganza Nyenga1, Maguy Sangaji Kabuya1, Toni Kasole Lubala1, Oscar Numbi Luboya1
1Université de Lubumbashi, Faculté de Médecine, Département de Pédiatrie, RDC
&Auteur correspondant
Gray A Wakamb Kanteng, Université de Lubumbashi, Faculté de Médecine, Département de Pédiatrie, RDC
Les auteurs rapportent 3 cas d'enfants congolais drépanocytaires dont la première manifestation documentée est un accident vasculaire cérébral. Sous un traitement fait d'hydroxyurée et d'une kinésithérapie de rééducation, l'évolution dans deux cas sur trois a été favorable. La nécessité d'évoquer le diagnostic de drépanocytose en cas d'AVC de l'enfant est soulignée, même en l'absence d'antécédents significatifs, ainsi que les alternatives possibles de prise en charge.
Deux pourcent de la population en République Démocratique du Congo (R.D.C) sont drépanocytaires, soit plus d'un million d'habitants. On évalue à 10% la proportion de la population congolaise qui porterait la tare S. Par ailleurs, près de 80% d'enfants atteints par l'anémie falciforme meurent avant leur cinquième anniversaire s'ils ne sont pas suivis médicalement [1]. Dans les pays développés, le diagnostic est de plus en plus précoce, et même anténatal [2]. En revanche, en Afrique subsaharienne, qui reste la zone la plus touchée par la pathologie, les inégalités liées aux moyens diagnostiques et thérapeutiques sont flagrantes, et se basent généralement sur l'épidémiologie, l'anamnèse et la clinique.
L'objectif de ce travail qui porte sur trois cas cliniques, est d'attirer l'attention sur les révélations tardives de la drépanocytose, qui sont rares et peu rapportées par la littérature, surtout dans le contexte d'un milieu sous-équipé.
Observation 1
L'enfant 1 était de sexe féminin, âgé de 5 ans avec un poids de 19 kg. Son état nutritionnel était bon (IMC de 21,5 soit normal). A l'admission aux soins intensifs pédiatriques de l'Hôpital Jason Sendwe, le motif de consultation était une hémiplégie de survenue brusque, remarquée la veille au soir, dans un contexte afébrile. L'hémiplégie était survenue au décours de céphalées après lesquelles une automédication au paracétamol n´avait eu aucun effet, jusqu'à la survenue de l'impotence fonctionnelle de l'hémicorps droit. La patiente était 3ème dans une fratrie de 4 enfants, et aucune notion de drépanocytose ni de transfusion n'était notée dans la famille. Par ailleurs aucun antécédent de dactylite ni de crises douloureuse antérieures n'a été noté. La morphologie ne suggérait aucune pathologie chronique. A l'examen neurologique, le patient était lucide, avec une déviation de la face et un langage marqué par une dysarthrie. Il a été noté une perte quasi-totale de la sensibilité de l'hémicorps droit La patiente était pâle. Par ailleurs, un subictère apparait, et il est noté une splénomégalie stade III selon Hackett. L'hémoglobine baisse vite, de 8g/dl à 4g/dl le deuxième jour. Une transfusion est indiquée et l'électrophorèse de l'hémoglobine confirme une drépanocytose homozygote (hémoglobine SS). Dès lors le diagnostic d'un accident vasculaire cérébral associé à une crise d'hyper hémolyse drépanocytaire est posé. Un traitement sous hydroxyurée à 20mg/kg/jour est instauré, ainsi qu'une physiothérapie. Une reprise des fonctions des membres supérieurs et inférieurs droits est vite notée dans les vingt jours.
Observation 2
L'enfant 2 était de sexe féminin, âgé de 10 ans, pesant 24 kg (IMC 14,3 soit un enfant maigre), reçu en consultation externe de l'hôpital Jason Sendwe pour impotence fonctionnelle du membre supérieur droit survenue brusquement dans un contexte afébrile la veille de la consultation. Aucun antécédent d'hémoglopinopathie SS n'est révélé dans la famille. La patiente s'alimente normalement et n'a jamais été hospitalisé. Il est noté à l'examen clinique un subictère, une immobilité du membre supérieur droit avec hypoesthésie. Le bilan paraclinique montre une anémie relative (hémoglobine à 9g/dl et hématocrite à 36%) et l'électrophorèse de l'hémoglobine effectuée dans les 72 heures confirme une anémie SS. Un traitement à l'hydroxyurée (30mg/kg/jr) associé à une physiothérapie permet au patient de recouvrer ses fonctions au bout de deux semaines.
Observation 3
L'enfant 3 de sexe masculin, âgé de 7 ans, a été admis au service des Urgences pédiatriques des Cliniques Universitaires de Lubumbashi pour un déficit moteur de survenue récente. L'anamnèse a révèle la présence d'un drépanocytaire connu dans la fratrie sur 5 enfants en vie et en bonne santé. Dans ses antécédents il n'est révélé qu'une notion de transfusion dans un contexte d'épisode fébrile 3 mois précédents la crise. A son examen clinique, il a été observé une pâleur cutanéo muqueuse, un ictère, une déviation du visage vers la gauche et une hémiparésie droite. L'hémogramme a objectivé une anémie à 7 g/dl d'hémoglobine. Le scanner cérébral a objectivé un ramollissement ischémique étendu du territoire sylvien gauche. Dans le cadre d'une investigation de l'anémie, l'électrophorèse de l'hémoglobine a confirmé le diagnostic de drépanocytose homozygote SS. L'évolution fut marquée par le décès de l'enfant au 4ème jour d'hospitalisation
Les cas de manifestation tardive de drépanocytose existent, mais sont probablement sous-rapportés dans la littérature. Sene et al. ont publié au Sénégal undiagnostic tardif d'hétérozygotie SC à 31 ans, chez un patient de sexe féminin, sur double ostéonécrose de la tête fémorale, avec comme dans notre cas aucun antécédent de transfusion [3]. En 1968 au Congo ' Kinshasa, Michaux et al. ont rapporté un diagnostic tardif à 22 ans sans antécédent de transfusion à partir de multiples foyers d'ostéolyse. Il s'agissait dans ce cas d'une persistance de l'Hb f'tale qui retarde l'apparition des crises drépanocytaires [4]. En Tunisie Amar et al. ont également rapporté un cas de drépanocytose diagnostiqué à 26 ans au décours d'une embolie graisseuse dans un syndrome thoracique aigu [5].
Il est difficile de déterminer avec certitude les causes de la révélation tardive de la drépanocytose chez nos deux patients. Dans notre série, l'accident vasculaire cérébral a été l'élément révélateur de la drépanocytose, une crise majeure dont l'issue peut être fatale.
La drépanocytose multiplie par 220 le risque d'AVC chez l'enfant avec un risque cumulatif de 17% à 20 ans [6]. La vasculopathie cérébrale et sa conséquence, l'AVC, constituent donc une menace redoutable chez l'enfant drépanocytaire. Dans certains cas, les grosses artères amenant le sang au cerveau se rétrécissent progressivement (sténose), ce qui empêche le sang de passer normalement, c'est l'AVC de Moya-Moya [7]. Grâce au doppler transcrânien, il est possible de la dépister avant la survenue d'accident clinique, ce qui permet une prise en charge appropriée et une nette amélioration du pronostic. En effet, le doppler transcrânien permet de dépister les sténoses des principales artères de la base du crâne chez les enfants drépanocytaires ayant eu un AVC avec une sensibilité de 90% et une spécificité de 100%. Il est recommandé d'explorer tous les enfants drépanocytaires par un doppler transcrânien dès l'âge d'un an. La détection de vitesses anormalement élevées impose la mise en route immédiate d'un programme transfusionnel [8]. Cependant, en Afrique subsaharienne, il est exceptionnel que des programmes d'échanges transfusionnels soient appliqués faute d'un plateau technique adéquat [9]. Cela s'est appliqué à notre série. En l'absence des premiers signes d'appel surtout la dactylite, le diagnostic est rarement évoqué précocement. Dans certains cas, l'AVC peut être le signe d'appel en faveur d'un syndrome drépanocytaite majeur [7]. Le manque de disponibilité en produits sanguins immunologiquement compatibles a conduit plusieurs pays à essayer l'hydroxyurée pour traiter la vasculopathie cérébrale. Par ailleurs, l'hydroxyurée a l'avantage de prévenir la récidive d'AVC ultérieurs [9].
La drépanocytose demeure dans notre milieu un problème de santé majeur. C'est un diagnostic à évoquer en présence d'un AVC du grand enfant. Par ailleurs, le dépistage systématique pourrait permettre d'éviter les découvertes tardives, dont les conséquences peuvent être fatales.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêts.
La participation des auteurs a été collégiale tant à la rédaction qu'à la révision du manuscrit. Tous les auteurs ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.
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