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Léiomyosarcome du pancréas: une tumeur de mauvais pronostic - cas clinique et revue de la littérature

Léiomyosarcome du pancréas: une tumeur de mauvais pronostic - cas clinique et revue de la littérature

 

Said Ait Laalim1,&, Fatim Zahra Hijri2, Imane Kamaoui3, Karim Ibn Majdoub Hassani1, Imane Toughai1, Khalid Mazaz1

 

1Département de chirurgie générale B. CHU Hassan II, Fès, Maroc, 2Département d’oncologie médicale. CHU Hassan II, Fès, Maroc, 3Département de radiologie. CHU Hassan II, Fès, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Ait Laalim Said, 16, Rue Dominique, AV abi horayra, Zohor I, 30000, Fès, Maroc

 

 

Introduction

Le léiomyosarcome (LMS) pancréatique est une tumeur mésenchymateuse maligne rare ne représentant que 0,1% des tumeurs pancréatiques [1]. Une revue de la littérature révèle uniquement 47 cas publiés à ce jour. Le diagnostique est rarement posé en préopératoire avec un pronostic qui reste sombre. Nous rapportant le cas d’un patient avec un léiomyosarcome de la queue du pancréas localement avancé décédé 4 mois après une spléno-pancréatectomie caudale et colectomie segmentaire à visée curative.

 

 

Patient et observation

Patient de 40 ans sans antécédents pathologiques particuliers, présentait depuis 2 mois des douleurs de l’hypochondre gauche et des lombalgies gauches. L’examen clinique était sans particularité. Une échographie abdominale était demandée et qui montrait la présence d’un processus tissulaire de l’arrière cavité des épiploons de contours polylobés, hétérogène, vascularisée au doppler couleur. On a complétée par un scanner TAP qui montrait une volumineuse masse hétérogène de la queue et du corps du pancréas, envahissant le colon transverse et mesurant environ 20x14x12cm de diamètre avec multiple foyer de nécrose tumorale (Figure 1). Le bilan pré-thérapeutique était sans particularité, les marqueurs tumoraux étaient normaux et une prophylaxie d’une éventuelle splénectomie était réalisée par vaccination anti-pneumocoque et hémophylus influenza. L’exploration chirurgicale trouvait la présence d’une volumineuse tumeur de la queue du pancréas mesurant environ 20 cm de grand axe, de consistance dure, d’aspect multinodulaire avec envahissement de la rate et la partie gauche du colon transverse. Une spléno-pancréatectomie caudale avec une colectomie segmentaire était réalisée en bloc avec anastomose colo-colique termino-terminale. Les suites opératoires étaient marquées par l’installation d’une fistule pancréatique à bas débit, asséchait spontanément.

 

L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire montrait la présence d’une prolifération tumorale maligne indifférenciée pancréatique à cellules fusiformes, Il s’y associe un index mitotique important (Figure 2). De larges foyers de nécrose tumorale étaient notés sans emboles vasculaires ni engainement périnerveux. Les Limites de résection pancréatique étaient saines et il n’y avait pas d’envahissement à l’étude histologique du hile splénique, de la rate et du colon. Le curage ganglionnaire trouvait 13 ganglions non envahis. A l’immunohistochimique, les cellules tumorales étaient fortement marquées par les anticorps anti actine musculaire lisse et anti H-caldesmene. Les marqueurs épithéliaux : CK AE1/AE3, CK7 et CK20 étaient négatifs ainsi que la PS 100 et le CD 117 (Figure 3). En conclusion l’aspect histologique et immunohistochimique était en faveur d’un léiomyosarcome primitif du pancréas. Le patient quittait l’hôpital à J + 15.

 

Après discussion multidisciplinaire une chimiothérapie adjuvante était proposée pour notre patient à base de Docetaxel-Gemcitabine. Le bilan pré-chimiothérapie incluant une TDM TAP réalisait 15jours en post opératoire était sans particularité (Figure 4).

 

Deux mois en post opératoire le patient était réhospitalisée pour une douleur intense de l’hypochondre gauche résistante aux traitements antalgiques habituels. Une TDM était réalisée et qui montrait la présence d’une masse tumorale de l’hypochondre gauche d’environ 3cm de diamètre avec un aspect de sarcomatose péritonéale localisée au niveau de l’hypochondre gauche (Figure 5) Une exploration chirurgicale était réalisée et qui montrait l’aspect d’un blindage de l’hypochondre gauche. Le patient est décédé après 3 mois de la résection tumorale.

 

 

Discussion

Le léiomyosarcome est une tumeur maligne rare d´origine musculaire lisse qui peut se développé dans n´importe quel organe ou un tissu qui contient du muscle lisse et représente moins de 1% de tous les cancers et 2% - 9% des sarcomes [2]. Il est le plus souvent localisé dans l´estomac et l´intestin grêle et peut également être couramment constaté dans le gros intestin, l´utérus, et le rétropéritoine [2]. Léiomyosarcome pancréatique primaire est extrêmement rare et seulement 47 cas ont été rapportés dans la littérature (Tableau 1). Certains auteurs sont sceptiques concernant l’origine pancréatique primitive de la tumeur, car il s´agit d´un site inhabituel pour les tumeurs mésenchymateuses [3,4]. Les léiomyosarcomes originaires d´autres organes tels que l´estomac, du duodénum, et les organes rétropéritonéaux envahissent souvent le pancréas, simulant une tumeur primitive du pancréas. Le diagnostic de léiomyosarcome pancréatique est confirmé par exclusion des tumeurs de voisinages. Dans notre cas la tumeur siégeait au niveau de la queue du pancréas, l’examen histologique du colon réséqué avec la tumeur montre que ce dernier est indemne de toute prolifération tumorale et que l’origine du LMS est pancréatique.

 

D’après les cas publiés dans la littérature (Tableau 1), l’âge des patients varie de 14 à 83 ans avec une moyenne d’âge de 53 ans et une légère prédominance masculine (54,3% Vs 45,7%). La taille de ces tumeurs varie entre 2 et 25 cm avec une moyenne de 9,4cm. La tête du pancréas est le siège de prédilection de ces tumeurs et se voie dans 54,8% des cas (Tableau 2).

 

La symptomatologie est aspécifique et souvent tardive ce qui explique la découverte de ces tumeurs à un stade avancé [5]. L’imagerie est aussi peu spécifique [6]. Il s’agit parfois de lésions kystiques de grande taille, parfois de masses solides hétérogènes témoignant de composantes hémorragiques et nécrotiques [7]. L’IRM abdominale peut aider au diagnostic en révélant une masse hétérogène en hyposignal T1 et hypersignal T2 [7]. Ces tumeurs posent le problème de diagnostic des tumeurs hypervasculaires du pancréas qui fait discuter principalement certaines tumeurs endocrines, des tumeurs épithéliales papillaires solides et kystiques, des cystadénomes, cystadéno-carcinomes ou des pseudo-kystes. Le diagnostic devrait pouvoir être évoqué devant le caractère hyper vasculaire et partiellement nécrotique qui est habituel dans ces tumeurs mésenchymateuses quel que soit leur siège [8].

 

Histologiquement, le LMS du pancréas se développe à partir des cellules musculaires lisses des canaux pancréatiques ou de la paroi des vaisseaux intra-pancréatiques [9]. L’analyse immunohistochimique a une grande valeur dans le diagnostic des LMS du pancréas, en mettant en évidence la positivité des marqueurs des cellules musculaires lisses (MSA, desmine, caldesmone, et la vimentine). La négativité des marqueurs des cellules épithéliales (cytokératine, EMA, CEA) permet d’éliminer l’origine épithélial de ces tumeurs et également la négativité à l’immunomarquage avec les anticorps antiCD 117, CD 34 et proteine S-100 permettaient d’éliminer le diagnostic de tumeur stromale ou schwannome [10,11]. Dans notre observation l’étude immunohistochimique a montrée que les cellules tumorales étaient fortement marquées par les anticorps anti actine musculaire lisse et anti H-caldesmene confirmant ainsi la nature mésenchymateuse de la lésion. Les marqueurs épithéliaux CK AE1/AE3, CK7 et CK20 étaient négatifs ainsi que la PS100 et le CD 117.

 

Les léiomyosarcomes d’origine digestive, caractérisés par l’absence de l’antigène CD 117 (ou c-kit), sont, autant que les sarcomes des tissus mous, extrêmement peu sensibles à la chimiothérapie [12]. À ce jour, la radiothérapie joue son rôle dans le traitement préopératoire des sarcomes utérins et des extrémités; en revanche, il n’y a pas d’indication systématique dans les formes rétro-péritonéales [13]. Pour ces raisons, le consensus actuel est que le seul traitement à visée curative est l’exérèse chirurgicale complète (résection R0). Dans notre cas la tumeur siégeait au niveau de la queue du pancréas elle mesurait 20x14x12 cm et semblait envahit le colon transverse et la rate et chez qui une spléno-pancréatectomie caudale associée à une colectomie segmentaire était réalisée.

 

Les LMS du pancréas sont réputées comme étant des tumeurs de très mauvais pronostics, et ceci est du essentiellement au retard diagnostic et à l’agressivité de la tumeur. Au moment du diagnostic de la lésion pancréatique, cette dernière s’avère non résécable dans 37% des cas (Tableau 1). Le suivi des malades a été rapporté dans seulement 26 cas. La survie médiane chez ces patients était de 16,50 mois (6 – 24 mois). Plusieurs facteurs sont considérés comme prédictifs d’agressivité : la taille, le nombre de mitoses par champs à haut grossissement, le grade de l’atypie cellulaire, la présence de myofibrilles [14]. Pour notre patient on a été impressionné par l’évolution extrêmement rapide de la tumeur après une résection chirurgicale jugée carcinologique, qui a causée la mort du patient en moins d’un mois et dont la survie n’a pas dépassée 3 mois.

 

 

Conclusion

Le LMS primitif du pancréas est une tumeur rare, hautement maligne et de pronostic sombre due surtout au retard diagnostic. En l’absence actuellement de chimiothérapie et de radiothérapie efficaces, la résection tumorale complète R0 peut offrir à ces patients une survie plus prolongée.

 

 

Conflit d’intérêts

Les auteurs déclarent n’avoir aucuns conflits d’intérêts.

 

 

Contribution des auteurs

SAI a rédigé l’article et à contribuer à la prise des photos, FZH a contribué à la recherche bibliographique, les autres auteurs ont contribué à la prise en charge thérapeutique de la malade et à la rédaction de ce document

 

 

Consentement

Les auteurs déclarent avoir reçu le consentement écrit de la famille du patient pour reporter ce cas.

 

 

Tableaux et figures

Tableau 1: Léimyosarcome (LMS) primitive du pancreas: literature mondiale (47 cas – présent cas inclus)

Tableau 2: Léiomyosarcome primitif du pancréas (LMS). Répartition du siège de la tumeur selon la littérature mondiale

Figure 1: Scanners abdominaux en coupe axiale montrant une volumineuse masse tumorale de l’hypochondre gauche hétérogène mesurant 10 cm de grand axe

Figure 2: Photos histologique montrant le parenchyme pancréatique infiltré par une prolifération sarcomateuse fusocellulaire faite de faiseaux entrecroisés avec présence de nombreuses figures de mitoses (HES 5x 2)

Figure 3: Photos histologique avec étude immunohistochimique (IHC) montrant des cellules tumorales expriment la h-Caldesmone confirmant ainsi la nature léiomyosarcomateuse de la prolifération tumorale. (IHC h caldesmone)

Figure 4: Scanners abdominaux en coupe axiale contrôle post opératoire immédiat montrant un site opératoire vide

Figure 5: Récidive tumorale sur le site opératoire avec apparition 2 mois en post opératoire d’une masse de 3 cm au niveau du site opératoire

 

 

Références

  1. Baylor SM, Berg JW. Cross classification and survival characteristics of 5000 cases of cancer of the pancreas. J Surg Oncol. 1973;5(4):335-58. This article on PubMed

  2. Riddle ND, Quigley BC, Browarsky I, Bui MM. Leiomyosarcoma Arising in the Pancreatic Duct: A Case Report and Review of the Current Literature. Case Report Med. 2010;2010:252364. This article on PubMed

  3. Neibling HA. Primary sarcoma of the pancreas. Am Surg. 1968 Sep;34(9):690-3. This article on PubMed

  4. Struthers JE, Gauss H. Malignant leiomyoma (leiomyosarcoma) of the retroperitoneum simulating sarcoma of the pancreas. Am J Dig Dis. 1952 Apr;19(4):116-20. This article on PubMed

  5. Aihara H, Kawamura YJ, Toyama N, Mori Y, Konishi F, Yamada S. A small leiomyosarcoma of the pancreas treated by local excision. HPB (Oxford). 2002;4(3):145-8. This article on PubMed

  6. Russ PD. Leiomyosarcoma of the pancreatic bed detected on CT scans. AJR Am J Roentgenol. 1993 Jul;161(1):210. This article on PubMed

  7. Paciorek ML, Ross GJ. MR imaging of primary pancreatic leiomyosarcoma. Br J Radiol. 1998 May;71(845):561-3. This article on PubMed

  8. Boyer C, Duvet S, Wacrenier A, et al. Léimyosarcome et tumeur stromales du pancreas. J Radiol. 2001; 82: 1723 - 5 . This article on PubMed

  9. Feinberg SB, Margulis AR, Lober P. Roentgen findings in leiomyosarcoma of the pancreas. Minn Med. 1957 Jul;40(7):505-6. This article on PubMed

  10. Nesi G, Pantalone D, Ragionieri I, Amorosi A. Primary leiomyosarcoma of the pancreas: a case report and review of literature. Arch Pathol Lab Med. 2001 Jan;125(1):152-5

  11. Komoda H, Nishida T, Yumiba K, et al. Primary leimyosarcome of the pancréas – a case report and case review. Virchows Arch. 2002; 440: 334 - 7. This article on PubMed

  12. Rehders A, Peiper M, Stoecklein NH, et al. Hepatic metastasectomy for soft-tissue sarcomas: is it justified?. World J Surg. 2009; 33: 111 - 7. This article on PubMed

  13. Le Pechoux C, Pautier P, Delannes M, et al. Clinical practice guidelines: 2006 update of recommendations for the radiotherapeutic management of patients with soft tissue sarcoma (sarcoma of the extremity, uterine sarcoma and retroperitoneal sarcoma. Cancer Radiother. 2006; 10: 185 - 207. This article on PubMed

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