Rupture diaphragmatique droite avec passage total et isolé du foie en intra-thoracique
Mohamed Turki, Mohamed Hafed Barhoumi, Hassen Hajji, Heithem Chemchik, Bechir M’barek
Corresponding author: Mohamed Turki, Service de réanimation et soins intensifs, hôpital Ibn Eljazzar, Kairouan, Avenue de la République 4070 M’Saken, Sousse, Tunisie
Received: 31 Aug 2011 - Accepted: 07 Sep 2011 - Published: 27 Oct 2011
Domain: Clinical medicine
Keywords: Diaphragme, traumatisme, thorax, Chirurgie, foie, Tunisie
©Mohamed Turki et al. Pan African Medical Journal (ISSN: 1937-8688). This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution International 4.0 License (https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/), which permits unrestricted use, distribution, and reproduction in any medium, provided the original work is properly cited.
Cite this article: Mohamed Turki et al. Rupture diaphragmatique droite avec passage total et isolé du foie en intra-thoracique. Pan African Medical Journal. 2011;10:28. [doi: 10.11604/pamj.2011.10.28.1151]
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Original article
Rupture diaphragmatique droite avec passage total et isolé du foie en intra-thoracique
Rupture diaphragmatique droite avec passage total et isolé du foie en intra-thoracique
Mohamed Turki1,&, Mohamed Hafed Barhoumi1, Hassen Hajji2, Heithem Chemchik3, Bechir M’barek1
1Service de réanimation et soins intensifs, hôpital Ibn Eljazzar, Kairouan, Tunisie, 2Service de chirurgie générale, hôpital Ibn Eljazzar, Kairouan, Tunisie, 3Service d’anesthésie réanimation CHU Sahloul, Sousse, Tunisie
&Auteur correspondant
Mohamed Turki, Service de réanimation et soins intensifs, hôpital Ibn Eljazzar, Kairouan, Avenue de la République 4070 M’Saken, Sousse, Tunisie
La rupture diaphragmatique droite est rare et survient chez environ 5% à 20% de toutes les lésions diaphragmatiques [1]. L´incidence d’une hernie des organes intra-abdominaux dans la cavité pleurale est faible et n’est observée que dans environ 19% des ruptures droites [1]. L’objectif de ce cas clinique est d’étudier les mécanismes physiopathologiques, les modalités diagnostics et thérapeutiques de cette complication.
Patient B.N. âgé de 35 ans sans antécédents pathologiques notables a été victime d’un accident de la voie public. L’examen trouvait un patient agité avec un Glasgow à 10. L’examen physique révélait l’absence de murmure vésiculaire du côté droit avec écorchure basi-thoracique droite. Le patient était polypnéique, SpO2 était de 92% à l’air ambiant avec un état hémodynamique correct. Le patient a été intubé, ventilé et sédaté. La radiographie thoracique trouvait un hémothorax droit de grande abondance qui a été drainé.
Un bodyscanner, réalisé après stabilisation du patient, a objectivé de multiples foyers de contusion cérébrale frontaux bilatéraux avec hémorragie méningée de faible abondance, fracture des arcs antérieurs des 1e et 2e côtes droites, hémothorax droit de moyenne abondance, foyer de contusion pulmonaire basal bilatéral avec absence de lésions abdominales associées. Les radiographies faites aux cours de son hospitalisation montraient une opacité de l’hémi-champs pulmonaire droit effaçant la coupole diaphragmatique homolatérale (Figure 1). Le contrôle scanographique réalisé au 5e jour d’hospitalisation montre la stabilité des lésions cérébrales avec disparition de l’hémorragie méningée. Sur le plan thoracique, persistance d’une fine lame d’épanchement pleural liquidien droit et une petite ascension en intra-thoracique du dôme hépatique. La sédation était arrêtée le jour même avec réveil calme, absence de déficit moteur et stabilité de l’état respiratoire. Après six heures de son extubation, le patient présentait une détresse respiratoire avec abolition de murmure vésiculaire du coté droit sans modification de l’état hémodynamique. La radiographie de thorax montre une opacité homogène occupant la quasi-totalité de l’hémi-champs pulmonaire droit. Un scanner thoracique fait en urgence confirme le diagnostic d’une rupture du diaphragme avec hernie du foie dans le thorax en montrant l’ascension du foie dans l’hémi-thorax droit à la hauteur du tronc de l’artère pulmonaire avec un poumon droit collabé et non aéré (Figure 2 et Figure 3).
Le patient était opéré par une voie d’abord thoracique postéro-latérale droite, avec découverte d’un passage total et isolé du foie en intra-thoracique à travers une brèche de 15cm sur le grand axe de la coupole droite (Figure 4). Le pédicule hépatique était étiré sans rupture décelable. L’intervention consistait en une libération soigneuse des adhérences et en une réintégration du foie en intra-abdominal avec suture de la plaie diaphragmatique par des points séparés au fil résorbable. Les suites opératoires en réanimation étaient marquées essentiellement par un réveil calme après 48H de sédation permettant l’extubation sans incident respiratoire particulier et par l’ablation des deux drains thoraciques successivement à J4 et J7 postopératoire.
Une rupture diaphragmatique doit systématiquement être évoquée lors d’un traumatisme thoracique et/ou abdominal de haute énergie. Le mécanisme de rupture consiste en une élévation brutale de la pression abdominale, jusqu’à dix fois la normale, consécutive à des forces de compression [2]. Les données des séries les plus récentes montrent que les ruptures du diaphragme droit peuvent représenter près de 35% de toutes les lésions diaphragmatiques [3]. Ceci est généralement expliqué par le rôle protecteur de la masse hépatique, et surtout le fait que les ruptures droites sont souvent associées à des lésions vitales graves entraînant le décès avant l’arrivée à l’hôpital [3].
Les principaux risques d’une rupture diaphragmatique droite sont représentés par l’insuffisance de la fonction diaphragmatique, la compression pulmonaire, le déplacement du médiastin et la diminution du retour veineux [4]. En effet, les organes ascensionnés dans le thorax provoquent une élévation paradoxale de la pression veineuse centrale, au même titre qu’une tamponnade ou qu’un pneumothorax compressif.
Le diagnostic préopératoire d’une rupture diaphragmatique est difficile. Vingt à 40% des ruptures sont découvertes lors d’une laparotomie réalisée pour une autre lésion car les signes cliniques sont inconstants et rarement spécifiques [1]. Dans notre cas, le diagnostic n’est retenu qu’après extubation du patient et l’apparition d’une détresse respiratoire inexpliquée. Le passage tardif intra-thoracique du foie s’explique par les modifications brusques du gradient de pression trans-diaphragmatique lors des efforts inspiratoires.
Les moyens diagnostiques comprennent la radiographie pulmonaire, l’échographie, la tomodensitométrie (TDM), l’imagerie par résonance magnétique (IRM). Les radiographies thoraciques ont une sensibilité relativement faible, mais restent un outil de dépistage avec des résultats évocateurs du diagnostic uniquement chez 17 à 40% des patients [5]. La rupture doit être suspectée devant toute élévation marquée de la coupole diaphragmatique avec une hernie intra-thoracique des viscères abdominaux [6]. L´échographie abdominale prolongée au dessus du diaphragme peut être utile pour le diagnostic. Elle permet d´observer l’absence de mouvements du diaphragme, la hernie des viscères, ou les plans de rupture de membrane [6]. La TDM hélicoïdale est la modalité diagnostique préférée en raison de sa capacité à acquérir des données volumétriques et de bonne qualité des reconstructions coronales et sagittales [7]. La TDM, dans les ruptures diaphragmatiques droites, a une sensibilité de 50 à 90 % et une spécificité de 90 à 100 % [1,8]. L´IRM, actuellement inutilisable dans le contexte d´urgence, offre des informations identiques à celles du scanner hélicoïdal, mais avec des images directes frontales et sagittales et une meilleure résolution spatiale [9].
En phase aigüe, la voie abdominale est la voie de référence. Elle permet l’exploration et le traitement des viscères abdominaux.
En phase tardive (après 7e jour) et en l’absence de lésions abdominales associées, il semble qu’une thoracotomie droite avec réintégration du foie en intra-abdominal et qu’une réparation par des points séparés au fil non résorbables constituent la stratégie la plus courante devant une rupture diaphragmatique droite. Elle autorise le contrôle d’éventuelles adhérences thoraciques et la mise en place de matériel prothétique, le cas échéant [10].
La rupture traumatique du diaphragme droit peut entraîner une morbidité et une mortalité importantes. C'est une affection rare, habituellement masquée par de multiples lésions associées, ce qui peut aggraver l'état du patient. Les patients qui sont victimes d’un traumatisme thoraco-abdominale violent devrait y avoir un indice élevé de suspicion de lésion diaphragmatique. Le diagnostic peut être posé par une TDM thoraco-abdominale. La stratégie chirurgicale, au moment du diagnostic, est variable et doit être discutée au cas par cas.
Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.
Tous les auteurs ont participé à la prise en charge du patient et à la rédaction du manuscrit.
Figure 1: Radiographie thoracique montrant une opacité de l’hémi-champs pulmonaire droit effaçant la coupole diaphragmatique homolatérale, drain thoracique en place
Figure 2: Scanner thoracique (coupe coronale) montrant le passage du foie dans l’hémi-thorax droit à la hauteur du tronc de l’artère pulmonaire avec un poumon droit collabé et non aéré
Figure 3: Scanner thoracique (coupe sagittale) montrant la rupture diaphragmatique droite avec passage du foie en intra-thoracique
Figure 4: Vue per-opératoire par thoracotomie postéro-latérale droite montrant le passage total et isolé du foie en intra-thoracique à travers une brèche de 15cm sur le grand axe de la coupole droite
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