Home | Volume 9 | Article number 17

Original article

Lymphome malin non Hodgkinien primitif du larynx: à propos d’un cas

Lymphome malin non Hodgkinien primitif du larynx: à propos d’un cas

 

Abderrahman Elmazghi1,&, Hanan Elkacemi2, Issam Lalya2, Hanan Zaidi2, Amal Harmouch3, Lamia Kanouni2, Taieb Kebdani2, Khalid Hassouni1, Noureddine Benjaafar2, Brahim Elgueddari2

 

1Service de Radiothérapie, CHU Hassan II, Fès, Maroc, 2Service de Radiothérapie, Institut National d’Oncologie, Rabat, Maroc, 3Service d’Anatomopathologie, CHU Ibn Sina, Rabat, Maroc

 

 

&Auteur correspondant
Abderrahman Elmazghi, Service de radiothérapie, CHU Hassan II, Fès 30000, Maroc

 

 

Introduction

Les lymphomes malins non hodgkinien (LMNH) de la région tête et cou sont des affections rares : ils représentent 5% de l’ensemble des tumeurs malignes. Sa localisation primitive au niveau du larynx est exceptionnelle, représentant moins de 1% de toutes les tumeurs du larynx. Moins de 100 cas ont été rapportés dans la littérature [1]. Nous rapportons un nouveau cas chez un patient de 24 ans atteint d´un LMNH primitif du larynx. À notre connaissance, c´est le premier cas marocain de LMNH primitif du larynx rapporté dans la littérature.

 

 

Patient et observation

Il s’agit d’un jeune homme de 24 ans, ayant dans ses antécédents pathologiques une tuberculose pulmonaire qui a bien évolué sous traitement antibacillaire de six mois. Il présentait une dyspnée d’aggravation progressive, quelques mois avant son admission dans notre service, associée à une dysphagie aux solides, des sueurs nocturnes, un amaigrissement de 10 kg en six mois. L´état général était conservé avec, en particulier, l’absence de fièvre.

 

L’examen clinique était normal et n’a pas trouvé d’adénopathies périphériques. La laryngoscopie mettait en évidence un œdème aryténoïdien bilatéral et une lésion bourgeonnante de la bande ventriculaire gauche dont l’étude histologique après biopsie a objectivé une muqueuse laryngée siège de remaniements inflammatoires, sans signe d’inflammation spécifique ni de malignité. Compte tenu de la normalité du bilan anatomopathologique, une corticothérapie (2 mg /kg/ jour pendant cinq jours) a été instaurée. Elle a fait disparaître la symptomatologie respiratoire. Le patient a ensuite été perdu de vue; la tomodensitométrie(TDM) du larynx prescrite n´a été réalisée que deux mois plus tard. Elle montrait une formation tumorale atteignant les trois étages du larynx avec infiltration partielle de la loge HTE (loge hyo-thyro-épiglottique) et des deux commissures (Figure 1). Une nouvelle laryngoscopie retrouvait un œdème important au niveau des aryténoïdes et des bandes ventriculaires masquant le plan glottique, un aspect grignoté et sale de la bande ventriculaire gauche. La biopsie profonde, trans-muqueuse, a conclu à un lymphome malin non hodgkinien, de type T périphérique (Figure 2).

 

A l’étude immunohistochimique, les cellules tumorales étaient positives pour le CD3, négatives pour CD20, CD56 et Granzyme. Le bilan biologique était normal (bilan standard dont la numération formule sanguine, les marqueurs de l’inflammation, LDH). Le bilan d’extension (TDM thoraco-abdomino-pelvienne, biopsie osteo-médullaire) était négatif permettant de stadifier la maladie : IEBa de la classification d´Ann Arbor. Le patient a reçu quatre cures de chimiothérapie type CHOP (J1 = J22), avec respect des intervalles inter-cures, suivies d’une radiothérapie, délivrant 40 Gy en 4 semaines, à raison de 5 séances de 2 Gy par semaine, sur le site tumoral et les aires ganglionnaires satellites (y compris le médiastin supérieur), aux photons 6MV d’un accélérateur linéaire, en technique conformationnelle 3D. Les séquelles du traitement ont été minimes. Trois mois après la fin du traitement, la dyspnée et la dysphagie avaient disparu. L´examen endoscopique ainsi que la TDM de contrôle étaient normaux à 6 mois de recul.

 

 

Discussion

Les LMNH du larynx représentent moins de 1% de toutes les tumeurs du larynx. Moins de 100 cas ont été rapportés dans la littérature. L’âge médian de survenue est de 63 ans avec des extrêmes allant de 14 à 90 ans. Les données sur le sex-ratio hommes/femmes sont contradictoires [1-3]. La symptomatologie initiale habituelle comprend une dysphonie, une dysphagie, une sensation de corps étranger, un stridor ou des signes généraux, tels que la perte de poids, les sueurs nocturnes et de la fièvre. Les formes avec détresse respiratoire sont rares. Ces manifestations respiratoires, peuvent faire errer le diagnostic, d’autant plus qu’une corticothérapie précoce et instaurée à l’aveugle peut contribuer à la difficulté diagnostique. Markou a analysé les cas de LMNH primitif de larynx publié entre 1996 et 2008, 47% d´entre eux sont situés dans la région sus-glottique, 25% sont glottiques, le reste sont soit sous-glottique ou transglottique [4]. Sur le plan macroscopique, la plupart des lymphomes du larynx se présentent sous forme d’une masse sous-muqueuse ou d’une tumeur polypoïde, ils sont lisses, non ulcérés, et blanc-grisâtres [3]. Pour affirmer le diagnostic. Il faut souligner que les biopsies doivent fournir un matériel suffisant pour porter le diagnostic histologique. L’immuno-histochimie permet d’affirmer le phénotype B (positivité du CD20, CD19, CD22, des immunoglobulines de surface) ou T (positivité du CD2, CD3) de la cellule maligne. Une analyse cytogénétique ou une étude en biologie moléculaire peut compléter le bilan diagnostique [5]. En se basant sur la classification de l´organisation mondiale de la Santé(OMS) pour les LMNH, Siddiqui a montré que le type B représente 85%, alors que le type T ne représente que 15%. Les LMNH à cellules B sont en outre classés en diffus à grandes, MALT, folliculaire, et le manteau qui ont été observés, respectivement, dans 50%, 20%, 10% et 5% des cas [2].

 

Le bilan radiologique du LMNH laryngé est celui d’une tumeur des VADS : une TDM cervico-thoraco-abdominale est demandée dans un premier temps, puis l’IRM cervicale qui plus sensible pour l’étude des tissus mous. De façon plus spécifique, une biopsie ostéo-médullaire et un dosage sanguin de LDH sont réalisés. La tomodensitométrie par émission de positons au 18-Fluoro-désoxyglucose (18FDG) couplée au scanner (PET-CT) montre une activité métabolique constante (100%) des cellules lymphomateuses qui est généralement amélioré de façon uniforme avec le contraste iodés (73%) sans nécrose ni calcification [2,5].

 

Historiquement, la radiothérapie a été la principale modalité du traitement de ces tumeurs. Elle permet d’obtenir une réponse complète prolongée pour 50 à 90% des patients atteints d’un lymphome stade I ou stade II localisé, mais compte tenu de la nature systémique de la plupart des cas, une chimiothérapie à base de CHOP associe ou non au rituximab selon le type histologique a une place importante, en particulier dans les cas de lymphomes de bas grade [6-9]. Le pronostic des LMNH primitifs du larynx et leur mode d’évolution se rapprochent des LMNH ganglionnaires (atteinte ganglionnaire sus et sous diaphragmatique, envahissement médullaire …). La survie à 10-15 ans est de 50 - 60% [5].

 

 

Conclusion

Les LMNH de localisation primitive laryngée sont exceptionnels et peuvent évoluer à bas bruit. Cependant la symptomatologie respiratoire peut être au premier plan, et révélatrice de la maladie. Malgré ce caractère exceptionnel, il s’agit d’un diagnostic à évoquer systématiquement. Nous insistons sur l’importance de réaliser des biopsies profondes et d’orienter l’anatomopathologiste vers le diagnostic de LMNH, pour permettre une bonne analyse histologique et immuno-histochimique. Il semble que le LMNH primitif du larynx est une présentation des lymphomes plutôt qu’une maladie à part entière et devrait être géré selon les tendances actuelles de traitement des LMNH ganglionnaires.

 

 

Conflits d’intérêt

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêt.

 

 

Contribution des auteurs

Tous les auteurs ont participé à la prise en charge du patient et ont lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Figures

Figure 1: Tomodensitométrie (TDM) du larynx montrant une formation tumorale atteignant les trois étages du larynx avec infiltration partielle de la loge loge hyo-thyro-épiglottique et des deux commissures

Figure 2: Tématoxyline-éosine (HE) x200: Muqueuse laryngée (épithélium malpighien en haut à gauche) infiltrée par un processus lymphomateux

 

 

Références

  1. Andriychuk A, Kristensen BW. Non-Hodgkin lymphoma of the larynx. Ugeskr Laeger. 2010 Oct 18; 172(42):2901-2902. This article on PubMed

  2. Siddiqui NA, Branstetter BF 4th, Hamilton BE, Ginsberg LE, Glastonbury CM, Harnsberger HR, Barnes EL, Myers EN. Imaging characteristics of primary laryngeal lymphoma. AJNR Am J Neuroradiol. 2010; 31:1261-1265. This article on PubMed

  3. Word R, Urquhart AC, Ejercito VS. Primary laryngeal lymphoma: case report. Ear Nose Throat J. 2006 Feb;85(2):109-11. This article on PubMed

  4. Markou K, Goudakos J, Constantinidis J, Kostopoulos I, Vital V. primary laryngeal lymphoma: report of 3 cases and review of the literature. Head Neck. 2010; 32:541-549. This article on PubMed

  5. Converset S, Vallicioni J, Poissonnet G, Marci PY, Bensadoun RJ. Lymphome malin non hodgkinien laryngé: à propos d’un cas. Fr ORL. 2006; 91: 266 – 269

  6. Monobe H, Nakashima M, Tominaga K. Primary laryngeal natural killer/T-cell lymphoma--report of a rare case. Head Neck. 2008; 30(11):1527-1530. This article on PubMed

  7. Steffen A, Jafari C, Merz H, Galle J, Berger G. Subglottic MALT lymphoma of the larynx—more attention to the glottis. In Vivo. 2007 Jul-Aug;21(4):695-8. This article on PubMed

  8. Tardio JC, Moreno A, Perez C, Hernandez-Rivas JA, Lopez-Carreira M. Primary laryngeal T/NK-cell lymphoma, nasal-type: an unusual location for an aggressive subtype of extranodal lymphoma. Eur Arch Otorhinolaryngol. 2008 Jun;265(6):705-8. This article on PubMed

  9. Roca B, Vidal-Tegedor B, Moya M. Primary non-Hodgkin lymphoma of the larynx. South Med J. 2005 Mar;98(3):388-9. This article on PubMed