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Original article

Angiomyolipome épithélioïde rénal mimant un carcinome rénal

Angiomyolipome épithélioïde rénal mimant un carcinome rénal

Renal epithelioid angiomyolipoma mimicking renal carcinoma

Hanen Bouaziz1,&, Ramzi Khiari2, Mohamed Dridi2, Samir Ghozzi2, Nawfel Ben Rais2

 

1Service de Chirurgie Carcinologique, Institut Salah Azaiez, Tunis, Tunisie, 2Sercice d’Urologie, Hôpital Militaire, Tunis, Tunisie

 

 

&Auteur correspondant
Bouaziz Hanen, Service de Chirurgie Carcinologique, Institut Salah Azaiez, Tunis, Tunisie

 

 

Résumé

L’angiomyolipome épithélioide est une forme rare d’angiomyolipome à potentiel malin, considéré récemment par l’OMS comme une entité à part dans la classification des tumeurs rénales. Cette lésion pose un problème dans le diagnostic différentiel avec les carcinomes à cellules claires. Il n’y a pas de critère spécifique clinique ou radiologique caractérisant cette tumeur. L’immunohistochimie en révélant la positivité des cellules épithélioide au marqueur HMB45 est essentielle au diagnostic. Le traitement doit être discuté en concertation pluridisciplinaire.


English abstract

Epithelioid angiomyolipoma is a rare form of potentially malignant angiomyolipoma , recently considered separate entity by the World Health Organization classification of renal tumors. This lesion poses a problem in differential diagnosis with clear cell carcinomas. There are no clinical or radiological specific criteria that characterize this tumor. Immunohistochemistry revealing epithelioid cells with positive HMB45 marker is essential for diagnosis. Treatment should be discussed during the multidisciplinary consultation.

Key words: Angiomyolipoma, nephrectomy, computed tomography

 

 

Introduction    Down

Les angiomyolipomes (AML) sont des tumeurs bénignes mésenchymateuses dont 1% sont représentés par les angiomyolipomes épithélioïdes rénaux (AMLeR). Il existe une forme sporadique et une autre forme associé avec la sclérose tubéreuse de Bourneville (STB). Vu leur aspects cliniques et surtout radiologiques, les AMLeR, sont fréquemment confondus avec un carcinome à cellules rénales (CCR). Le diagnostic est essentiellement histologique se basant sur l’immunohistochimie. Les AMLeR à potentiel agressif et les AMLeR malins ont une évolution locorégionale, ganglionnaire ou métastatique qui peut conduire au décès. Les modalités thérapeutiques varient en fonction de la présentation de la maladie.

 

 

Patient et observation Up    Down

Il s’agit de Mr R A., âgé de 51 ans, traité en 2011 pour une lithiase rénale gauche par lithotritie extracorporelle, qui consulte pour des lombalgies gauche associée à une altération de l’état général à type d’amaigrissement, d’asthénie évoluant depuis 3 mois sans notion d’hématurie. L’examen clinique était sans anomalies et le bilan biologique trouvait une fonction rénale correcte (créatininémie à 74.5 µmol/l), une numération formule sanguine était normale et un ECBU était stérile. L’échographie abdominale trouvait une masse tissulaire hypoéchogéne de 12 cm rénale gauche. Le scanner thoracoabdolminopelvien montrait une volumineuse masse tissulaire médio-rénale gauche de 13.5 cm de grand axe à développement exorénal hétérogène se rehaussant après injection du produit de contraste (PDC), évoquant en premier un carcinome rénal (Figure 1) associée à une infiltration de la graisse péri rénale avec des ganglions lombo-aortiques gauches d’allure suspecte et absence de localisation secondaire hépatique ou pulmonaire. Le patient a été opéré il a eu une néphrectomie totale élargie réalisée par voie sous costale avec des suites post-opératoires simples et un court séjour hospitalier de 5 jours. L’étude anatomopathologique de la pièce opératoire a trouvé une tumeur largement nécrosée qui comporte des zones charnues de couleur blanc grisâtre et indurées. Cette tumeur infiltre le sinus. A l’étude microscopique les cellules tumorales sont de grande taille, de forme variable, tantôt d’aspect épithélioide et tantôt d’aspect rabdoide. De nombreuses figures de mitoses atypiques (6 mitoses/ 10GC) sont observées ainsi que la présence de nombreux embols tumoraux. La nécrose tumorale est estimée à 20%. L’étude immuno-histochimique sur la coupe de parrafine était positive pour EMA, HMB45 et Mélan A. Toutes ces constations ont permis de confirmer le diagnostic d’angiomyolipome épithéloide monophasique ou pécome malin classé pT2 N1 M0. Le suivi post-opératoire à 3 mois, trouve un patient en bon état général, asymptomatique avec une fonction rénale normale. Un scanner de contrôle à 6 mois a montré une progression en taille et en nombre des adénomégalies partiellement nécrosées lombo-aortiques et iliaques primitives gauches (Figure 2) étendues à la loge de néphrectomie gauche avec apparition des localisations secondaires pulmonaires (Figure 3) et surrénalienne droite (Figure 4). Le dossier a été discuté en RCP et un traitement type inhibiteur de mTOR a été démarré. Après 6 mois de thérapie ciblé, le patient se porte bien avec une stabilisation des lésions secondaires à l’imagerie.

 

 

Discussion Up    Down

L’angiomyolipome (AML) est une tumeur rénale bénigne, qui représente environ 3% des masses solides du rein, formé de trois composantes tissulaires à des proportions variables: vaisseaux anormaux, cellules musculaires lisses et tissu adipeux La variante épithélioïde est plus rare correspondant à moins de 1% de l’ensemble des angiomyolipomes [1]. Les angiomyolipomes épithélioïdes rénaux (AMLeR) est une tumeur rare mésenchymateuses rapportée pour la première fois par Mai et al. [2] en 1996. En 2004, l´Organisation mondiale de la santé (WHO) a classé l’AMLeR comme une tumeur mésenchymateuses ayant un potentiel malin et faisant partie de la famille des Pecomes pour perivascular epithelioid cells. L’âge moyen de découverte est de 40 ans avec des extrêmes de 14 à 70 ans [3]. Dans certain cas il est difficile de différencier les AMLeR des autres tumeurs rénales solides telles que les oncocytome, les carcinome à cellules rénales et les lésions sarcomateuses en se basant seulement sur l´imagerie. La TDM ou l’IRM sont fréquemment utilisées pour détecter les foyers de graisse qui caractérisent l’angiomyolipome. Cependant, Aucun critère de densité ne permet d’établir le diagnostic sûr d’AMLeR classique [4]. Dans notre cas, en raison de la suspicion de carcinome une néphrectomie a été pratiquée. Histologiquement, la tumeur est essentiellement composée de cellules épithélioïdes, alors que dans certains cas, il peut montrer des similitudes avec l’AML. L immunohistochimie joue un rôle clé dans le diagnostic différentiel. Les AMLeR sont typiquement marqués par les anticorps anti-HMB45 et Melan A [5] mais le marquage est parfois très focal, limité à quelques cellules tumorales en particulier autour des vaisseaux sauf dans les secteurs épithélioïdes où le marquage est diffus. Dans notre cas, la coloration immunohistochimique était positive pour EMA, HMB45 et Mélan A. Les AMLeR peuvent récidiver localement voir métastaser dans le foie, les ganglions, les poumons ou l’os [6]. Le pourcentage d’évolution défavorable est cependant très variable dans la littérature. Les facteurs de risque identifiés sont: une taille tumorale supérieure à 7 cm, une morphologie épithélioïde à plus de 70 %, une activité mitotique > 2 mitoses pour 10 grands champs, la présence de mitoses atypiques, l’extension extra-rénale ou de la nécrose [6]. Sur la pièce de néphrectomie de notre patient il y avait 4 facteurs de risque de récidive locale ou de métastase à distance. La néphrectomie totale élargie devrait être indiquée pour les AMLeR malins avec envahissement locorégional ou métastatique. Le traitement adjuvant ou de première ligne à base de chimiothérapie ou de thérapie ciblée doit être discuté en RCP [7].

 

 

Conclusion Up    Down

L’oncogenèse des AMLeR sporadiques ou associés à la STB est lié au gène TSC2 qui active la voie des mTOR. Le diagnostic est anatomopathologique. Avec quatre paramètres (clinique, TDM, anatomopathologique et bilan d’extension), on confirme le diagnostic d’AMLeR à potentiel agressif et AMLeR malin. Pour ce type de tumeur, le traitement est celui d’un CCR. La thérapie ciblée est de plus en plus entrain de prouver son indication dans l’AMLeR.

 

 

Conflits d’intérêts Up    Down

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d’intérêts.

 

 

Contributions des auteurs Up    Down

Tous les auteurs ont contribué à l’élaboration de cet article.

 

 

Figures Up    Down

Figure 1: masse tissulaire médio-rénale gauche de rehaussement hétérogène après PDC associés à des adénopathies lomboartique

Figure 2: coulée ganglionnaire lomboaortique

Figure 3: métastase pulmonaire du lobe moyen

Figure 4: métastase du corps de la surrénale droite

 

 

Références Up    Down

  1. Aydin H, Magi-Galluzzi C, Lane BR et al. Renal angiomyolipoma: clinicopathologic study of 194 cases with emphasis on the epithelioid histology and tuberous sclerosis association. Am J Surg Pathol. 2009; 33 (2):289-97. PubMed | Google Scholar

  2. Mai KT, Perkins DG, Collins JP. Epithelioid cell variant of renal angiomyolipoma. Histopathology. 1996; 28 (3):277-80. PubMed | Google Scholar

  3. Mete O, Van Der Kwast TH. Epithelioid angiomyolipoma. Amorphologically distinct variant that mimics a variety of intra-abdominal neoplasms. Arch Pathol Lab Med 2011; 135 (5):665-70. PubMed | Google Scholar

  4. Huang KH, Huang CY, Chung SD, et al. Malignant epithelioid angiomyolipoma of the kidney. J Formos Med Assoc. 2007; 106 (2 Suppl):51-. PubMed | Google Scholar

  5. Armah HB, Parwani AV. Perivascular epithelioid cell tumor. ArchPathol Lab Med. 2009; 133 (4):648-54. PubMed | Google Scholar

  6. Nese N, Martignoni G, Fletcher CDM et al. Pure Epithelioid PEComas (So-Called Epithelioid Angiomyolipoma) of the Kidney: A Clinicopathologic Study of 41 Cases: Detailed Assessment of Morphology and Risk Stratification. Am JSurg Pathol. 2011; 35(2):161-7. PubMed | Google Scholar

  7. Lopater J , Daniel L, Akiki A, Boissier R et al. Angiomyolipome épithélioïde rénal. Progrès en urologie. 2009;19(7):457-461. PubMed | Google Scholar