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Le fibromatosis colli ou torticolis congénital: son diagnostic et sa prise en charge à propos de deux cas

Le fibromatosis colli ou torticolis congénital: son diagnostic et sa prise en charge à propos de deux cas

 

Mazamaesso Tchaou1,&, Plaodezina Essobozou Pegbessou2, Lantam Sonhaye3, Patricia Yékpé Ahouanssou4, Abdoulatif Amadou3, Beresa Kolou1, Lidi Bessi Kama5, Nouhou Mahamadou Garba1, Lama Kegdigoma Agoda Koussema1, Koffi N’dakéna1

 

1Service de Radiologie et Imagerie médicale CHU Sylvanus Olympio, Lomé, Togo, 2Service d’ORL CHU Sylvanus Olympio, Lomé, Togo, 3Service de Radiologie et Imagerie médicale CHU Campus, Lomé, Togo, 4Service de Radiologie et Imagerie médicale CHNHU HKM, Cotonou, Bénin, 5Service de Pédiatrie CHU Sylvanus Olympio, Lomé, Togo

 

 

&Auteur correspondant
Mazamaesso Tchaou, Service de Radiologie et Imagerie médicale CHU SylvanusOlympio, Lomé, Togo

 

 

Résumé

Le fibromatosis colli (FC) est pseudotumeur rare du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM), à l'origine d'un torticolis dit congénital chez le nouveau-né ou le nourrisson. Le mécanisme étio-pathogénique de sa survenue est sujet à controverse. Son diagnostic fait appel à l'échographie qui permet de mettre en évidence un épaississement caractéristique du muscle. Nous rapportons deux cas diagnostiqués par l'échographie avec pour un cas une notion de malposition intra-utérine et pour l'autre cas une absence totale de malposition et de traumatisme obstétrical qui pourtant est évoqué comme élément du mécanisme de survenue du FC.

 

 

Introduction

Décrite pour la première fois par l'allemand Hulbert comme torticolis tumorale du muscle sterno-cléido-mastoïdien (SCM), le fibromatosis colli (FC) est une lésion bénigne du muscle SCM, liée à une fibrose congénitale, se manifestant cliniquement par une tuméfaction latéro-cervicale et un torticolis [1, 2]. Son étiologie et le mécanisme physio-pathologique conduisant à la fibrose du muscle ne sont pas claire et sont toujours sujet à controverse. Malgré un diagnostic facilement évoqué à la clinique, l'imagerie en coupe, avec comme examen de premier choix l'échographie reste utile pour en faire le diagnostic de certitude en éliminant d'autres causes de torticolis congénital et de masse latéro-cervicale, mais aussi d'en assurer la surveillance lors de l'évolution. Nous rapportons deux cas de FC spontanément et rapidement régressifs en 3 et 4 mois chez deux nourrissons diagnostiqués et surveillés par l'échographie.

 

 

Patient et observation

Cas 1

 

Nourrisson de sexe féminin de 6 semaines, adressée par le service de chirurgie pédiatrique au service de radiologie et imagerie médicale du Centre Hospitalier Universitaire SylvanusOlympio (CHU-SO) de Lomé (Togo) pour exploration échographique d'une tuméfaction latéro-cervicale gauche (Figure 1). Née par césarienne à 38 semaines d'aménorrhées (SA) pour présentation de siège chez une primipare à l'issue d'une grossesse sans incident, son poids de naissance était de 3,100 Kg pour une taille de 52 cm. Il n'existait aucun antécédent familial pathologique et pas de lien de consanguinité entre les parents. Dans l'histoire, la tuméfaction avait été constatée déjà à 4 semaines de vie, l'attention de la maman ayant été attirée par une déviation permanente de la tête du bébé du côté droit. Il n'y avait pas de notion de fièvre, ni de traumatisme. L'échographie réalisée à l'aide d'une sonde linéaire de 12 MHZ notait un épaississement fusiforme du corps du muscle SCM gauche d'aspect hyper-échogène par rapport au reste du muscle et comparativement au côté opposé, avec conservation toute fois de l'aspect fibrillaire du muscle (Figure 2). Le reste de l'examen échographique du cou était normal. Devant cet aspect échographique et clinique, le diagnostic de FC avait été retenu. Aucun traitement médicamenteux ou chirurgical n'avait été prescrit. Il avait été conseillé à la maman de porter le bébé le plus souvent possible au dos, la face tournée vers le côté de la lésion. Lors des suivis réalisés chaque mois, nous avons observé une régression progressive de la tuméfaction et du torticolis, jusqu'à leur disparition complète au bout du quatrième mois.

 

Cas 2

 

Nouveau-né de sexe masculin de 3 semaines, adressé par le service d'Oto-Rhino-Laryngologie (ORL) au notre pour exploration échographique d'une tuméfaction latéro-cervicale droite (Figure 3). Né d'un accouchement normal à 38 SA, il avait un poids de naissance de 3,000 Kg pour une taille de 50 cm. Il n'y avait pas d'anomalie de présentation et l'accouchement était eutocique. Il n'existait ni antécédent familiale pathologique ni lien de consanguinité entre les parents. La tuméfaction s'accompagnait d'un torticolis, avec une déviation de la tête vers le côté gauche. Il n'y avait pas de notion de fièvre, ni de traumatisme. L'échographie réalisée à l'aide d'une sonde linéaire de 12 MHZ notait un épaississement fusiforme hyper-échogène du corps du muscle SCM droit comparativement au muscle du côté opposé, avec conservation de l'aspect fibrillaire du muscle (Figure 4). Le reste de l'examen échographique du cou était normal. Devant cet aspect échographique et clinique, le diagnostic de FC avait été retenu et le bébé avait bénéficié des mêmes mesures physiques que dans le premier cas. La régression totale de la tuméfaction et du torticolis avait été observée au quatrième mois.

 

 

Discussion

La prévalence du FC est estimée à 0,3 - 2% des naissances, avec une prédominance masculine. Le côté droit semble plus fréquemment touché, dans les proportions de 60 - 75%. L'atteinte bilatérale est rare, environ 2 - 8% des cas [2]. Sa prévalence en Afrique est inconnue [3] et très peu de publications scientifiques existent sur des cas africains, en dehors de la série de Abdur-Rahman LO et al de 15 cas colligés en 10 ans (1999-2008) à l'hôpital universitaire d'Ilorin au Nigéria [4]. Selon les mêmes auteurs, il existe un retard à la consultation en Afrique, comme c'est le cas dans beaucoup d'autres maladies. En effet, selon eux, nombreux parents présentent leurs enfants après 3 mois à cause du fait qu'ils présument que la position anormale de la tête de l'enfant avant cet âge serait due à la non acquisition de la tenue de la tête qui normalement ne s'acquière qu'à 3 mois dans le développement psychomoteur normal de l'enfant. Certains cas selon toujours les mêmes auteurs sont constatés en premier par les grand-mères lors des massages traditionnels du corps du bébé. Pour nos deux cas, la consultation a été précoce dès la constatation de l'anomalie respectivement à 6 et à 3 semaines de vie, ceci témoigne du changement de comportement dans la population africaine surtout en milieu urbain. Tumeur bénigne selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le FC est classé dans la catégorie des proliférations fibroblastiques bénignes selon la classification OMS 2002 des tumeurs des tissus mous [5]. Son étiopathogénie n'est pas connue à ce jour. Elle reste encore un mystère. En effet, ses causes sont encore débattues, les théories variant d'un auteur à l'autre. La plus courante étant celle qui lie l'anomalie du SCM à une fibrose et contracture du muscle secondaire à un syndrome des loges et à des lésions ischémiques favorisées par une malposition f'tale intra utérine [6]. Une autre théorie serait plutôt en faveur des traumatismes ou microtraumatismes du SCM lors d'un accouchement laborieux [7]. Ces deux mécanismes peuvent être intriqués, la malposition entrainant un accouchement laborieux. Dans notre premier cas il existe effectivement une malposition intra-utérine, mais pas de traumatisme obstétrical. Pour le second cas il n'existe ni malposition intra utérine ni notion d'accouchement difficile, ce qui confirme le mystère autour de l'étiopathogénie du FC, même si les lésions anatomopathologiques retrouvées sur les pièces de biopsie, à savoir un remplacement des fibres musculaires par des amas de tissus fibrosés fait de cellules fibroblastiques matures confirme la fibrose [8]. L'échographie nous a permis comme pour plusieurs auteurs, de poser le diagnostic de FC devant l'aspect typique d'un épaississement fusiforme du muscle SCM [7, 8]. C'est l'examen de choix, reconnu par tous les auteurs du fait de son accessibilité aisée, son coût faible, et son caractère non irradiant [7]. Les autres techniques d'imagerie en coupe notamment la tomodensitométrie (TDM) et l'imagerie par résonnance magnétique (IRM) peuvent également mettre en évidence l'épaississement du muscle, mais il s'agit de moyens peu accessibles, coûteux et irradiant pour la TDM [7]. Certains auteurs estiment que l'examen clinique suffit au diagnostic et qu'aucune investigation supplémentaire ne devrait être réalisée en routine [4], mais ils reconnaissent néanmoins l'utilité de l'échographie pour éliminer d'autres étiologies lorsque l'aspect clinique est atypique. La prise en charge du FC fait appel essentiellement chez les nouveaux nés et les nourrissons à la physiothérapie. Dans les deux cas de notre étude, les mamans ont été conseillées et encouragées à porter leurs bébés au dos avec la face tournée vers le côté de la lésion, comme elles le font traditionnellement dans notre milieu. Cette méthode a été décrite déjà par l'équipe de l'Hôpital universitaire d'Ilorin au Nigeria [4]. Le traitement chirurgical est rarement utile, moins de 5% des cas lorsque le diagnostic est précoce mais la proportion peut atteindre la moitié des cas lorsque le diagnostic est fait au-delà du sixième mois [9]. L'évolution du FC se fait même en l'absence de traitement, vers la régression spontanément en 4 à 6 mois [10], quelques fois même beaucoup plus tôt à 3 mois d'âge [7]. Cette évolution spontanée peut être facilitée et/ou accélérée par la physiothérapie qui pour nos cas à consister à encourager les mamans à continuer une technique de port de bébé au dos traditionnellement utilisée dans notre milieu.

 

 

Conclusion

Le fibromatosis colli est relativement rare, sa fréquence en Afrique reste à établir. Son diagnostic associe la clinique et l'échographie qui permet d'éliminer d'autre cause de torticolis chez le nouveau-né et le nourrisson. La physiothérapie active peut être valablement remplacée par le port traditionnel du bébé au dos, tête tourné du côté ipsilatéral à la lésion qui permet d'obtenir une régression rapide et spontanée de la lésion en 3-4 mois.

 

 

Conflits d’intérêts

Les auteurs ne déclarent aucun conflit d'intérêt.

 

 

Contributions des auteurs

Tous les auteurs ont contribué à la conduite de ce travail. Tous les auteurs déclarent également avoir lu et approuvé la version finale du manuscrit.

 

 

Remerciements

Le consentement écrit des parents des enfants a été obtenu pour la publication de ces cas.

 

 

Figures

Figure 1: nourrisson de sexe féminin de 6 semaines, née par césarienne pour présentation de siège, présentant une tuméfaction latéro-cervicale gauche (flèche blanche) et une déviation de la tête vers le côté droit

Figure 2: coupes échographiques longitudinales du cou du nourrisson de 6 semaines, à l’aide d’une sonde linéaire de 12MHZ, montrant les muscles sterno-cléido-mastoïdiens (SCM) droit (A) et gauche (B), avec un épaississement fusiforme hyper-échogène du corps du muscle SCM droit (tête de flèche blanche) comparativement au muscle du côté opposé (flèche blanche), avec conservation de son aspect fibrillaire

Figure 3: nouveau-né de sexe masculin de 3 semaines, présentant une tuméfaction latéro-cervicale droite (flèche blanche)

Figure 4: coupes échographiques longitudinales du cou du nouveau-né de 3 semaines, à l’aide d’une sonde linéaire de 12MHZ, montrant les muscles sterno-cléido-mastoïdiens (SCM) gauche (A) et droit (B), avec un épaississement fusiforme hyper-échogène du corps du muscle SCM droit (tête de flèche blanche) comparativement au muscle du côté opposé (flèche blanche), avec conservation de son aspect fibrillaire

 

 

Références

  1. Hulbert KF. Torticollis. Postgraduate Medical Journal. 1965; 41(481): 699-701. PubMed | Google Scholar

  2. Garetier M, Breton S, Pennaneach A, Barberot C, Chinellato S and Rousset J. Fibromatosiscolli. Presse Medicale. 2012; 41(2): 213-214. PubMed | Google Scholar

  3. Nwako FA. Torticollis. In: Nwako FA, editor. A Textbook of Pediatric Surgery in the Tropics. 1st ed. MacMillan Press Limited. 1980; pp 277-278. Google Scholar

  4. Abdur-Rahman LO, Cameron BH. Sternomastoid tumor of infancy and congenital muscular torticollis. In: Ameh EA, Bickler SW, Lahoo K, Nwomeh BC, Poenaru D, editors. Paediatric Surgery: a comprehensive text for Africa. Global HELP. 2010; pp 448-453. Google Scholar

  5. O'connell J. Fibromatosiscolli. In: Fletcher CD, Unni KK, Mertens F. eds. World Health Organization classification of tumors: pathology and genetics of tumors of soft tissue and bone.Lyon: IARC Press. 2002; pp 61-62. Google Scholar

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  7. Adamoli P, Longo P, Falsaperla R et al. Rapid spontaneous resolution of fibromatosiscolli in a 3-week-old girl. Case Rep Otolaryngol. 2014; 2014: 264940. PubMed | Google Scholar

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  9. Cameron BH, Langer JC, Cameron GS. Success of nonoperative treatment for congenital muscular torticollis is dependent on early therapy. Pediatr Surg Intl. 1994; 9: 391-393. Google Scholar

  10. Cheng JC, Wong MW, Tang SP, Chen TMK, Shum SLF, Wong EMC. Clinical determinants of the outcome of manual stretching in the treatment of congenital muscular torticollis in infants A prospective study of 821 cases. J Bone Joint Surg Am. 2001 May; 83-A(5): 679-87. PubMed | Google Scholar